Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVII, 1889.djvu/630

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
620
revue philosophique

à une foule d’études diverses, depuis l’analyse des idées jusqu’à la théologie naturelle. « Par une sorte de contraste ironique, la science qui eut de tout temps la prétention de représenter la connaissance absolue, semble avoir été de tout temps la plus instable de toutes dans son objet aussi bien que dans sa méthode (p. 22). » Mais il est permis de procéder autrement. Laissant les autres sciences prendre dans les objets de la connaissance la part dont elles revendiquent l’étude exclusive, on voit qu’il reste, après que chacune s’est approprié son objet, un certain objet qu’aucune ne revendique en particulier, qui se trouve cependant supposé en toutes ; cet objet, c’est l’être, ni plus ni moins, que M. Dubuc appelle l’absolu. Il se croit alors le droit de définir la métaphysique avec Aristote : la science de l’être en tant qu’être, ἐπιστήμη τοῦ ὄντος ἧ ὄν, et il interprète cette définition « en disant que seule la métaphysique est la recherche d’une solution au double problème de la réalité et de l’essence des êtres, qu’il s’agisse de la nature, de l’âme ou du premier principe de l’univers (p. 34) ».

La métaphysique étant ainsi définie, M. Paul Dubuc recherche quelle peut être sa méthode. Cette méthode serait-elle la méthode expérimentale ? Mais l’expérience n’atteint que les phénomènes et non la substance, que ce qui paraît et non ce qui est, des relations entre phénomènes et non des essences absolues. La méthode des sciences de la nature ne saurait donc être la méthode de la métaphysique.

La méthode des mathématiques serait-elle la méthode que nous cherchons ? Les cartésiens l’avaient pensé, mais M. Dubuc ne saurait adopter cette opinion, car la mathématique n’est qu’une science de l’idéal et du possible et on ne peut, à l’aide de sa méthode, sortir sans paralogisme de l’idéal et du possible pour atteindre le réel. Or, la métaphysique est une science du réel. À posse ad esse non valet consequentia, répète M. Dubuc après Kant et la scolastique.

Ainsi les méthodes objectives sont également impuissantes à fonder la métaphysique. La méthode subjective ou introspective dont se sert la psychologie serait-elle la véritable méthode métaphysique ? M. Dubuc accorde à cette méthode, dont l’instrument est la conscience et la réflexion, le pouvoir de déterminer non seulement les qualités essentielles du moi, mais encore sa réalité. Sur les traces de Maine de Biran, de Jouffroy, de M. Ravaisson, M. Dubuc écrit : « Le jugement : Je suis, que seul peut porter un être capable de réflexion, est la base première et nécessaire de la psychologie… Le moi humain, se posant dans sa vivante spontanéité, en face de l’univers, répugne à se concevoir dans autre chose (p. 171). » Le moi est donc en lui-même, il a donc une réalité métaphysique et ainsi la méthode subjective nous donne « le droit d’opposer au matérialisme et au panthéisme une fin de non-recevoir (ibid.). » Mais si l’auteur consent à commencer la métaphysique en psychologie, il refuse d’aller plus loin et ne croit pas avec M. Ravaisson que la réflexion seule de nous-même sur nous-même puisse nous donner véritablement l’expérience de Dieu. Il ne paraît pas à M. Dubuc que la