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ANALYSES.yarkovski. De la gravitation universelle, etc.

logiques, on peut construire le concept d’un univers dont les phénomènes, dans leur ensemble, ressembleraient singulièrement à ceux que nous observons. Il n’a pas prouvé, plus que ses devanciers, que ces éléments logiques correspondent exactement à la réalité des choses, ni, par suite, que toutes leurs conséquences doivent être vérifiées par l’expérience. Bien loin de là, il est certain que ses hypothèses fondamentales sont en contradiction avec les faits empiriques et qu’elles reposent uniquement sur une fiction de l’intellect.

Que le concept de l’atome soit généralement adopté par les savants actuels, cela prouve simplement que ce concept est commode pour l’état présent de nos connaissances, non qu’il soit vrai. La propriété de l’absolue dureté qu’on est conduit à attribuer à l’atome pour donner une forme précise à l’idée que l’on se fait de l’impénétrabilité de la matière, est une conception exclusivement dogmatique ; elle ne s’accorde avec aucun fait d’expérience.

La dureté (au point de vue du choc) n’existe à aucun degré dans la nature ; il n’y a que des corps mous, qui restent déformés après le choc, ou des corps élastiques, qui ne restent pas déformés. Mais pendant le choc il y a toujours déformation[1], et cette déformation est précisément liée à la production des forces qui modifient les mouvements des corps choqués.

C’est une illusion créée par les formules mathématiques que de penser, ainsi que paraît le faire M. Yarkovski, que, dans le cas de corps animés de mouvements de rotation, les réactions dues au choc sont une simple conséquence de l’impénétrabilité et peuvent se concilier dès lors avec l’hypothèse de l’absolue dureté. Il n’en est rien et cette dureté n’est qu’une fiction logique.

Aussi loin que porte l’expérience, la matière nous apparaît comme déformable et divisible ; l’impénétrabilité est une notion brute qui correspond à un ensemble de phénomènes plus ou moins différents et en tous cas impliquant des changements de mouvements, donc des développements de forces qui, pour sembler agir au contact, n’en sont pas moins aussi logiquement inexplicables, dans leur essence intime, que les forces agissant à distance, dont on essaye de se passer. Vouloir supprimer même ces forces au contact en les remplaçant par une notion telle que celle de l’impénétrabilité ou de la dureté, et en même temps refuser d’admettre, pour les dernières particules de la matière, les déformations concomitantes à ces forces, c’est là se mettre en contradiction formelle avec l’expérience et se placer sur le terrain dogmatique.

  1. Les différents degrés d’élasticité correspondent d’ailleurs au degré de rapidité avec lequel le corps choqué reprend sa forme primitive. Pour l’élasticité parfaite, il faudrait que le retour à cette forme fût exactement symétrique de la période de déformation, en sorte que, les deux corps une fois séparés, il n’y ait plus aucun changement de l’état d’équilibre interne antérieur, ni aucune oscillation autour de cet état d’équilibre.