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REVUE GÉNÉRALE.philosophie mathématique, etc.

percevoir simultanément et à combiner trois sensations distinctes que lui donne la couleur, savoir le ton, le degré de saturation et l’intensité.

On conçoit que cette capacité de recevoir et de combiner trois sensations distinctes puisse être une propriété générale de nos nerfs, en exceptant ceux pour lesquels il ne se fait pas de combinaison, comme les nerfs acoustiques. Les lois de composition trouvées pour les couleurs peuvent donc s’établir en général pour les sensations susceptibles d’être combinées, et elles s’appliquent en particulier aux sensations qui engendrent la notion d’espace.

Ces sensations sont de deux sortes : celles qui nous arrivent par l’œil (M. de La Rive se borne à étudier la vision monoculaire), celles qui nous arrivent par le toucher. De là la distinction de l’espace visuel et de l’espace tactile.

Ce qui fait que la notion de l’espace visuel peut coïncider avec celle de l’espace tactile, c’est que les sensations qui leur donnent naissance sont en réalité du même ordre ; ce sont des sensations d’effort moteur ou d’innervation dans lesquelles on peut d’ailleurs, si l’on veut, distinguer, avec Helmholtz, trois éléments différents : l’intensité de l’effort, la tension des muscles, le raccourcissement effectif de ceux-ci. Ces sensations peuvent au reste correspondre soit à des mouvements effectués par nos organes, soit aux efforts pour les maintenir dans une position déterminée. Dans ce dernier cas, on les appellera proprement sensations d’effort statique.

Comparées aux sensations colorées, les sensations de mouvement offrent cette particularité qu’à chacune correspond celle du mouvement opposé. De la sorte le champ de la sensation, au lieu d’être limité dans un seul des angles formés par les axes coordonnés, s’étend dans les huit angles.

À part cette distinction, on peut dire que la correspondance est complète. Les sensations que donne l’espace sont celles des mouvements possibles pour atteindre l’objet en dehors de nous ; ces mouvements se rapportent à trois mouvements possibles, d’ailleurs arbitraires, comme les couleurs se rapportent à trois couleurs fondamentales.

L’espace visuel monoculaire et l’espace tactile, du moins celui qui correspond au mouvement du bras alors que les articulations du coude et de la main restent immobiles, coïncident dès lors dans l’espace ainsi perçu, l’éloignement par rapport à nous reste indéterminé, parce que nous ne pouvons juger exactement de la grandeur du mouvement à faire, mais la direction du mouvement est donnée et elle peut se rapporter à trois axes coordonnés. Nous avons naturellement en même temps la notion de l’angle de deux directions, qui se trouve liée à la sensation de l’effort minimum à faire pour passer d’une direction à une autre.

Si on met en mouvement l’articulation du coude, on peut arriver à localiser complètement les points tactiles et la notion de l’espace se