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DE LA

POSSIBILITÉ D’UNE MÉTHODE

DANS LES PROBLÈMES DU RÉEL


L’être est ; l’action crée le phénomène qui en est le signe, mais ne l’exprime qu’en le fixant dans une forme inerte ; telle était la conclusion d’une première étude publiée, il y a quelques mois, dans cette Revue[1].

L’être ainsi affirmé n’est point, disions-nous, un fantôme d’être, un mirage que l’esprit créerait à son insu et dont il serait la dupe. Loin de se laisser réduire à une apparence, l’être se pose comme la raison invisible et nécessaire de toute apparence ; c’est l’absolu à la racine du relatif.

Avec une ombre d’être, le phénomène périt. Il faut l’être vrai pour fonder le phénomène vrai, l’action réelle pour donner à ce qui n’est que mode ou état l’ombre de réalité qu’il possède.

Ainsi tout ce qui passe, tout ce qui n’enferme pas la raison de son acte n’est qu’à demi et comme par grâce, à la faveur d’une volonté étrangère. Seul est vraiment, seul est pleinement ce qui agit de soi et se possède, ce dont l’existence recueillie et concentrée en soi n’a besoin d’aucun appui.

Veut-on que le phénomène ait précisément ces caractères ? On affirme toujours l’action qui sous un nom ou sous un autre se pose quand même, mais on se prive de tout moyen d’expliquer ce qu’est le mode ou l’état.

Car si le phénomène est l’être vrai, où trouver dans la nature un terme autre que le phénomène pour représenter ce qui, dans l’être, n’est que manière d’être ou accident ?

On objecte que c’est la pensée qui pose l’être. Sans doute, mais comment en conclure que l’être ainsi posé change de nature et devient, sous le nom de phénomène, autre que lui ? L’être dont la

  1. Voir le numéro de mars 1889.