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ANALYSES.döring. Philosophische Güterlehre.

Döring. Philosophische Güterlehre ; Untersuchungen, etc. (Théorie philosophique des biens ; recherches sur la possibilité du bonheur, et sur les vrais mobiles de l’activité morale.) 1 vol.  in-8o, viii-438 p. Berlin, Gaertner, 1888.

Sous le nom de théorie des biens, M. Döring s’est proposé, comme son sous-titre l’indique, d’une part de faire le bilan des biens et des maux, et d’établir la possibilité et les conditions d’un bonheur relatif ; d’autre part de déduire de cette théorie la détermination du principe de la morale, qui est à ses yeux nécessairement eudémoniste.

L’introduction contient la définition de la théorie des biens, de ses rapports avec les sciences et la philosophie, de la méthode et du point de vue de l’auteur, enfin l’historique de la question. Un appendice, placé à la fin de l’ouvrage, complète cette introduction, en cherchant à établir théoriquement et historiquement que la philosophie doit se ramener à la théorie des biens.

L’ouvrage se divise en deux parties : la première, qui est la Théorie élémentaire des biens, étudie le détail des besoins, des plaisirs et des peines qui en dérivent ; l’auteur y prend à partie Schopenhauer en tant qu’il nie d’une manière absolue la possibilité de tout plaisir positif. Dans la seconde, intitulée Théorie synthétique des biens (zusammenfassende Güterlehre), il s’agit au contraire de la possibilité du bonheur ; les biens y sont considérés non plus isolément, mais dans leurs rapports, et l’auteur examine la possibilité d’une systématisation des besoins, de leur subordination à un « souverain bien », grâce à laquelle seule le bonheur serait réalisable. Ici, c’est M. de Hartmann dont les conclusions sont attaquées, en tant qu’elles contestent non la possibilité des plaisirs isolés, mais la possibilité d’un excédent des plaisirs sur les peines.

La méthode à adopter est la méthode empirique. Toute valeur (Wert) se ramène au plaisir éprouvé ou possible ; les termes de fin, bien, plaisir, sont équivalents ; un acte qui ne serait pas provoqué par l’espoir d’un plaisir serait un effet sans cause et ne se comprendrait pas.

L’auteur caractérise son point de vue par le terme de criticisme timologique par opposition au scepticisme timologique attribué aux pessimistes et au dogmatisme timologique de la plupart des optimistes. Cette application de la distinction kantienne ne pourra-t-elle pas paraître plus ambitieuse que juste ? Car le pessimisme d’abord ne constitue nullement un scepticisme à l’égard du bonheur ; il ne le met pas en doute ; il le nie. La thèse de Schopenhauer et celle de Hartmann sont franchement négatives. Le terme de criticisme n’est guère plus heureux dans une question où l’on se déclare purement empiriste, à moins qu’on ne le prenne dans un sens tout superficiel, pour dire simplement qu’on évitera les affirmations sans preuves et les assertions arbitraires. En revanche, on pourrait souhaiter un examen plus sévère de la possibilité d’une science des biens et de ses conditions, car il est naturel de se demander dans quelle mesure le bien en tant que bien,