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EVELLIN.possibilité d’une méthode

Certes, il n’est pas de base plus solide que ces deux notions, puisqu’elles représentent ce qu’il y a de fondamental dans la pensée, et peut-être faut-il expliquer par là la vitalité des deux doctrines qui en dépendent. Le point est de savoir si l’usage qu’en fait chacune d’elles est également correct, et si ces notions peuvent au même titre asseoir une philosophie durable.

Entrons dans le vif du problème :

Une vérité sur laquelle peuvent s’entendre et s’entendent en effet les partisans de l’unité et ceux de la pluralité de l’être est celle-ci : des deux termes présents dès l’origine à la pensée — être et phénomène — le premier est au second ce qu’est le principe à sa conséquence ; autrement dit : c’est l’être qu’il faut prendre pour la raison vraie et solide du phénomène, non le phénomène pour celle de l’être. Quiconque pose en principe la dualité dont nous parlons, doit, pour des raisons déjà exposées, se rallier à cette formule, et l’on peut dire qu’en fait il n’apparaît pas sur ce point de désaccord.

Mais de cette commune affirmation partent aussitôt des méthodes absolument divergentes. Si l’être est vraiment l’auteur et le créateur du phénomène, on peut d’abord soutenir — et il semble que ce soit là l’hypothèse la plus naturelle — que le vrai point de départ en métaphysique c’est l’être. L’être, en effet, dans cette donnée, doit porter en lui le phénomène comme la cause l’effet. Il ne s’agit donc que de le soumettre à l’analyse pour y apercevoir sous des traits de plus en plus nets ce qu’il enveloppe confusément, et pour en dériver peu à peu, avec le temps et l’espace, les événements et les formes dont l’ensemble est la nature. L’être c’est la nature en germe ; la nature c’est l’être épanoui. Rien de plus plausible que de croire qu’on peut assister à cet épanouissement, et suivre une à une les phases du progrès intérieur d’où il résulte.

Tel est le point de vue familier au monisme. Il semble qu’il soit plus frappé que le polydynamisme lui-même de la priorité et de la fécondité de l’être, mais il se heurte, nous allons le voir, à d’invincibles objections :

En premier lieu, n’est-ce pas se payer d’une métaphore que de mettre la fécondité dans un principe ? Il n’est nullement établi que le principe enferme la conséquence comme on croyait autrefois que le germe enferme la plante. La science nous a appris que le vivant se développe par épigenèse ; de même il est fort probable que ce n’est que par synthèse que nous déduisons. Posez à la fois deux hypothèses, ou comme disent les logiciens deux prémisses et vous pourrez dans certains Cas, en tirer une conséquence. Voilà le fait positif et