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de la grossièreté, de la bassesse, des mœurs et des habitudes vulgaires ou ignobles ? N’est-ce pas l’extérieur façonné par l’intérieur, la gaucherie, la lourdeur, le port mal assuré, chancelant, le maintien, les attitudes ? Tout cela peut être simulé, mais prouve par là même le prix qu’on y attache. Ce qui est évident, c’est que la mimique naturelle, qui peut être aussi artificielle, est un des moyens les plus puissants de plaire, de charmer, d’inspirer la sympathie la plus vive ou l’antipathie. Les femmes, est-il besoin de le dire ? excellent dans cet art qui est comme inné chez elles. Et Dieu sait jusqu’où elles le perfectionnent. Elles en possèdent, on ne peut le nier, tous les secrets. C’est pour elles un des plus puissants moyens de charmer et de séduire. À quel point elles en usent et abusent, ce n’est pas de notre sujet. La grâce n’a-t-elle pas été définie par un grand poète, lui-même esthéticien (Schiller, Anmuth und Würde), la beauté dans le mouvement ? La morale elle-même n’y reste pas étrangère. Le poète latin l’a dit : Gratior est pulchro veniens in corpore virtus. « La vertu a plus de charme quand elle apparaît dans un beau corps. »

III

Nous possédons maintenant tous les éléments du problème que nous nous sommes proposé de résoudre : quelle est la place que la mimique doit occuper dans le système des beaux-arts ? Ainsi conçu, cet art doit-il être élevé au rang des arts principaux, libres et indépendants dont il serait appelé à compléter et régulariser le système ? Ou, malgré les services qu’il rend aux autres arts, malgré la fonction nécessaire qu’il remplit dans leur ensemble et les rapports qu’il entretient avec eux, doit-il conserver la position plus modeste qui lui est généralement assignée, comme art accessoire ou auxiliaire ?

C’est ce qu’il s’agit d’examiner.

Nous devons faire connaître d’abord les raisons que font valoir les partisans de la mimique comme devant occuper ce rang élevé parmi les beaux-arts.

Le terrain sur lequel ils se placent est surtout celui de l’art chorégraphique. C’est en effet le genre principal et le plus complet ; la musique s’y allie à la pantomime, son rôle a été le plus important et le plus varié dans l’histoire, chez les différents peuples, à tous les degrés de la civilisation. Aujourd’hui encore le drame lyrique lui fait une place très élevée dans la composition et la représentation de ses œuvres[1].

  1. Voir Richard Wagner, Œuvres.