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analyses. — roberty. L’inconnaissable.

l’on regarde comme le point central essentiel d’un système de philosophie ou d’une croyance religieuse, — et il varie aussi selon l’éloignement où l’on est des sentiments et des croyances, — mais de ce que chacun a raison à son point de vue, il ne s’ensuit pas que tout le monde ait également raison. Une manière de voir les choses peut être plus large qu’une autre et permettre de prendre de la réalité une vue d’ensemble où les différences essentielles et les ressemblances importantes soient moins altérées — et ce m’est une occasion — parmi beaucoup d’autres — de remarquer combien la vérité des doctrines, la réalité des choses, que l’on a coutume en bien des cas, à notre époque, de négliger, de tenir pour un point secondaire et de remplacer par des considérations purement historiques en pratique, doit, au contraire, être examinée avec soin si l’on veut arriver à une construction quelque peu cohérente.

« La religion est un agnosticisme inconscient ; la métaphysique, un agnosticisme demi-conscient ou conscient, selon l’époque et le type des systèmes. » Si en effet M. de Roberty range les diverses formes de la métaphysique et de la religion dans une même catégorie qu’il oppose à la philosophie de l’avenir, il ne les confond pas entre elles, mais les distinctions qu’il établit paraîtront facilement insuffisantes à leurs partisans.

Étant donnée la façon dont M. de Roberty comprend la nature de l’agnosticisme on peut prévoir la valeur qu’il lui attribue. Cette valeur est réelle au point de vue historique et social, elle est nulle au point de vue théorique et philosophique. On peut dire que « la croyance à l’inconnaissable a eu, à l’origine, un caractère franchement progressif s’améliorant et s’affirmant sans cesse, elle a conservé ce caractère durant des siècles ; on y a souvent vu, et jusqu’à ces derniers temps on pouvait facilement s’y tromper, un apanage indestructible de la nature humaine ; mais aujourd’hui cette croyance et la théorie qui la fonde ont fait leur temps, — elles sont devenues, à leur tour, un obstacle sérieux à toute marche en avant. » Aussi le temps est venu où l’on doit y renoncer. « Le postulat fondamental formulé par la théorie de l’inconnaissable est la dernière citadelle de la métaphysique ; mais ce n’est pas parce qu’elle est forte ou imprenable, c’est parce qu’elle est la dernière que sa destruction présente un intérêt de premier ordre, l’inconnaissable est à peu près le seul fantôme du passé théologique de l’humanité qui n’ait pas été exorcisé par la science, l’unique chef survivant « de cette armée d’entités verbales qui jadis avaient envahi toutes les provinces de la nature et que, depuis trois cents ans, le progrès des sciences renverse une à une. »

Dans le second chapitre : les conditions actuelles du problème, nous trouvons les conséquences que tire l’auteur de sa conception de l’inconnaissable, au point de vue de la discipline de l’esprit, de la méthode à suivre et de la philosophie de l’avenir. « … L’analyse sociologique prouve avec la dernière évidence que tant qu’on ignore tous les faits