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janet. — la géographie de la philosophie

aussi beaucoup occupé de philosophie, et on a de lui des commentaires étendus sur la Métaphysique et la Logique d’Aristote. Il est aussi l’auteur d’ouvrages originaux, l’un intitulé : la Guérison ; l’autre, la Délivrance.

C’est surtout en Espagne que l’influence arabe nous intéresse, car c’est l’Espagne qui a été le principal instrument de la renaissance de la philosophie en Occident. On cite, comme ayant particulièrement encouragé les lettres et les arts, le calife Hakem. Sous lui, Andalousie s’éleva à la plus haute culture. Les livres composés en Perse et en Syrie étaient lus en Espagne en même temps qu’en Orient. Hakem, dit-on, envoya mille divars d’or pur à Abul-Farady pour avoir le premier exemplaire de son Anthologie. Il avait de nombreux agents chargés de lui procurer les livres de l’Orient, au Caire, à Bagdad, à Damas, à Alexandrie. On dit que le catalogue de sa bibliothèque comprenait 44 000 volumes. C’est au xe siècle, époque de la plus profonde barbarie de l’Occident, qu’est précisément le point culminant de la civilisation arabe. Mais bientôt une réaction se manifesta. Almanzor fait brûler tous les livres de philosophie et de sciences, et ne conserve que les livres de théologie, de poésie et de médecine. Le xie siècle est, pour l’Espagne arabe, un siècle de barbarie et de guerres civiles. Mais au xiie siècle, le mouvement recommence. Averroès, le plus grand nom de la philosophie arabe en Espagne, comme Avicenne en Orient, naquit à Cordoue au commencement du xiie siècle ; il mourut en 1198. Il remplit donc le siècle tout entier. Ses œuvres sont immenses. Il commenta presque tous les ouvrages d’Aristote. Ses œuvres personnelles sont : Destruction de la Destruction, réfutation du philosophe Algazali ; Destruction des philosophes, traité de l’union de l’intellect avec l’homme.

En résumé la philosophie grecque presque entièrement réduite à la philosophie d’Aristote avait passé de Syrie, de Perse et d’Égypte en Espagne, d’où elle allait bientôt sortir pour se rencontrer avec le mouvement philosophique occidental, en raison de la proximité de la France et de l’Espagne.

Nous avons donc maintenant à nous demander où en était arrivée la philosophie de l’Occident, à la fin du xiie siècle, lorsqu’elle se rencontra avec la civilisation arabe.

Nous avons vu périr en 529 à Athènes la dernière école philosophique de la Grèce. Mais il n’est pas probable que toute culture philosophique ait disparu. Les livres subsistaient, et si petit que fût le nombre des lecteurs, il dut y en avoir cependant. Seulement il n’y eut plus de grandes écoles. On cite un commentateur de l’empire grec du xe au xie siècle, à la fois politique et philosophe, le célèbre