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III

Je ne pourrais, sans entrer dans des détails considérables, énoncer toutes les applications de ce principe, lesquelles se multiplieront d’ailleurs avec les progrès de l’expérimentation physique, physiologique et psychologique, et avec l’analyse encore rudimentaire des fonctions subjectives. Nos représentations, c’est-à-dire les expressions plus ou moins motrices, conscientes ou non, de nos idées, sont les faits les plus généraux que l’on puisse concevoir et s’appliquent à tous les objets possibles. Leur existence justifie l’intuition profonde des géomètres pour qui toute nouvelle fonction analytique aura tôt ou tard son application en physique, et explique remarquablement le fait que plusieurs formules célèbres s’appliquent à la fois à des phénomènes physiques et à des probabilités.

Il est évident que l’établissement de schèmes de propriétés et de fonctions mathématiques doit permettre d’établir entre ces schèmes, des relations mathématiques, et de constituer une doctrine indépendante des principes actuels. Admettre mon principe extrêmement général équivaut à admettre un grand nombre de postulats féconds, dont l’usage ne peut manquer de procurer des résultats plus rapides. Je pourrais citer, comme facilement susceptibles d’un exposé nouveau, la théorie des fonctions circulaires, certaines parties du calcul des probabilités, la théorie du pendule, etc.

Mais ces schèmes représentent encore ce que l’on est convenu d’appeler des forces physiques et des expressions de phénomènes mentaux. On doit donc retrouver en eux les propriétés des forces physiques ct certaines constantes physiques souvent difficiles à déterminer exactement par l’expérience. De plus, comme les caractères d’une représentation irréductible peuvent être précisés, si le schème d’une force physique ou d’une constante correspond à une représentation telle, on peut affirmer qu’il n’y a pas lieu de se poser d’autre problème ultérieur sur cette force et cette constante. On constitue ainsi un empirisme abstrait supérieur à l’expérience dont on complète les données, reliant toutes les lois et tous les principes à un principe que l’on peut démontrer irréductible. Il n’y a pas à se poser des problèmes comme ceux-ci : « La chaleur est-elle une force immatérielle ? Est-elle un mouvement ? » C’est faire là de la métaphysique ; c’est séparer deux éléments inséparables comme l’idée et son expression possible. Il est aussi illégitime de dire : la chaleur est un mouvement, qu’il est illégitime d’en soutenir le caractère immatériel. Tout ce qu’on peut savoir, c’est que la chaleur