Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVIII, 1889.djvu/459

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LE CRIME ET L’ÉPILEPSIE


Un grand effort est fait par tous les psychologues de notre génération pour éclairer les consciences les plus obscures par excès de trouble ou de profondeur, l’âme du génie et l’âme du criminel, pour expliquer cet inexplicable, pour trouver la loi de ces exceptions. Que sortira-t-il de tant de recherches ? Jusqu’ici, pas grand’chose de bien net, en apparence du moins. Confessons que si « la psychologie des grands hommes » reste embryonnaire, malgré Moreau de Tours, Joly, Lombroso et tant d’autres, la psychologie des grands meurtriers et des grands voleurs n’est guère plus avancée ; j’entends leur psychologie physiologique, car il n’en est peut-être pas tout à fait de même de leur psychologie sociologique. — Mais il est toujours intéressant néanmoins de suivre, en leurs travaux ondoyants, les anthropologistes nouveaux. Si vague qu’il soit, après tout, le résultat qui déjà semble se dégager de leurs observations et de leurs expériences accumulées, à savoir que toute supériorité intellectuelle ou toute perversité morale extraordinaires ont pour condition un état plus ou moins morbide de l’organisme, une anomalie physique, aurait une réelle importance, s’il était démontré. Il s’ensuivrait une nouvelle manière d’envisager, non seulement le crime et le génie, mais la maladie. Je me souviens qu’un jour, dans un accès de pessimisme, il m’est arrivé d’écrire : « Quand on sait la part de la santé dans le bonheur, on apprécie mieux la santé, mais on prise moins le bonheur. » Si Lombroso a raison, ce que je disais ainsi du bonheur, j’aurais aussi bien pu le dire de l’honnêteté et de la vertu, et ajouter ce corollaire : quand on sait la part de la maladie dans le vice et le délit, on doit flétrir moins le vice et le délit, mais on doit juger la maladie plus honteuse. Ce point de vue scientifique nous ramènerait de la sorte au préjugé des paysans qui rougissent d’être malades. Ce ne serait pas d’ailleurs la seule anticipation du sens commun paysanesque sur les théories de nos savants : il n’a pas attendu celles-ci