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extérieur et intérieur deviennent pour nous des objets. En ce sens, non seulement les qualités sensibles des choses sont phénoménales, mais tout ce que la conscience nous représente ne nous apparaît que comme rapport ou relation ; aucune différence ne saurait être même signalée entre les qualités primaires et les qualités secondaires, comme on l’a clairement aperçu par les recherches psychologiques sur notre connaissance du spatial et du temporel.

Trois domaines d’événements objectifs s’offrent à nous en se distinguant : le corps, le système nerveux, le psychique. La série se prolonge en haut et en bas, le corps entre dans le domaine des choses extérieures, les faits psychiques conduisent à la conscience du moi.

En examinant les rapports du psychique et du nerveux, on se trouve en présence de deux hypothèses fondamentales opposées l’une à l’autre. L’âme est, selon les uns, une substance immatérielle qui est dans un rapport d’action réciproque avec les parties du cerveau : les excitations qui lui sont transmises par ce dernier donnent l’occasion de répondre par des réactions internes, qui peuvent amener à leur tour la production de mouvements. Mais cette conception, outre qu’elle fait appel au concept de substance, est difficile à soutenir en présence des résultats empiriques qu’ont donnés les recherches psycho-physiques. On est obligé de faire intervenir la vieille doctrine de l’influx physique, de soutenir que les phénomènes nerveux pénètrent, d’une façon quelconque et incompréhensible, dans l’intérieur de la substance des âmes, que le matériel va dans l’immatériel, opinion peu raisonnable, qui suppose que l’âme possède une provision d’états internes qu’elle n’est jamais cependant en état d’utiliser, quoiqu’elle continue d’utiliser d’autres états étroitement liés aux premiers (ablation d’une partie du cerveau faisant disparaître la possibilité d’exprimer le mot, quoiqu’il se trouve dans la conscience, et en laissant subsister le contenu).

D’après l’opinion opposée, le psychique et le nerveux ne sont que deux vues de côté (Seitenansichten) différentes d’une seule et même chose. Liée, chez Spinoza, au concept de substance, cette théorie peut en être séparée si l’on se représente une série d’événements, s’écoulant successivement et simultanément, qui apparaissent d’un côté comme des mouvements corporels et matériels, de l’autre comme des processus psychiques. Mais dans l’un et l’autre cas, il y a suppression de l’action réciproque entre l’âme et le cerveau.

Il est difficile de décider si cette conséquence abstraite répond aux faits observés. Toutefois les phénomènes cérébraux sont, comme tels, soumis à la loi nécessaire de la causalité naturelle et n’ont aucun caractère logique ; si on les considérait comme identiques aux phénomènes spirituels, ils devraient suivre, dans l’état normal, les lois de la logique. Le cerveau, s’il était identique à l’âme, serait ainsi tout à la fois un produit naturel soumis au devenir mécanique et un organe logique, alors que partout le mécanisme est signalé comme étant en opposition avec le logique (associations incidentes produites par lui dans le cours