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A. FOUILLÉE.le sentiment de l’effort

Si l’on passe en revue tous les faits de paralysie invoqués par les adversaires ou par les partisans des décharge centrifuges, on verra que ces faits ne prouvent rien de définitif, ni pour ni contre. Le paralytique, dit Wundt, a conscience d’un grand effort, et cependant il ne peut remuer son membre ; donc l’effort n’est pas toujours musculaire. — À quoi Ferrier répond avec Vulpian : — Le paralytique ne contracte pas son membre, mais il contracte d’autres muscles ; la preuve, c’est que l’hémiplégique qui veut fermer son poing paralysé ferme inconsciemment le poing qui n’est pas malade. Donc l’effort est toujours musculaire. — On comprend que les discussions de ce genre s’éternisent, car on pourra de nouveau répondre : — Si l’hémiplégique ferme le poing non malade, c’est précisément qu’il a opéré une décharge centrifuge, laquelle, ne pouvant remuer les muscles d’un côté, a dévié sur ceux de l’autre. De même pour les cas de parésie des muscles oculaires. Un tailleur de pierre qui a le droit externe de l’œil gauche paralysé frappera sur sa main au lieu de son ciseau jusqu’à ce que l’expérience lui ait enseigné la prudence. Les illusions de ce genre s’expliquent par ce fait que nous jugeons de la direction de la ligne de vision d’après la position que nous croyons avoir imprimée aux yeux. Ici, le tailleur de pierre croit à tort avoir mû le muscle de l’œil, mais, disent les partisans de l’effort efférent, il a réellement conscience d’avoir innerve l’œil ; de là l’illusion. — Et W. James répond : — Ce que vous avez innervé, ce sont les muscles de l’autre œil, « car il est prouvé que l’appareil de l’innervation pour les deux yeux est unique et qu’ils fonctionnent comme un seul organe, comme un œil double. Donc votre effort était musculaire. » — À quoi on répondra encore : — Pourquoi n’aurait-on pas le sentiment de l’innervation même, au lieu d’avoir seulement la sensation des mouvements musculaires d’un œil, une fois effectués ? — Et ainsi de suite, indéfiniment. Ce qui n’empêche pas W. James, sur ces preuves qui ne prouvent rien, de dire : « Voilà donc un résultat acquis. » Ce résultat lui sert ensuite de point de départ pour montrer, avec M. Renouvier, que le fiat doit être un fait tout moral, puisqu’il n’est pas un fait musculaire. Les matérialistes, de leur côté, refusant de suivre MM. W. James et Renouvier dans cette région mythologique des fiat, s’empressent de conclure que le prétendu sentiment d’effort actif est un sentiment de pure passivité et rien de plus.

La seule chose certaine à inférer des faits qui précèdent, selon

    le moral. On verra que cette polémique, quelque remarquable qu’elle soit, au lieu de preuves, n’apporte guère que des affirmations.