Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVIII, 1889.djvu/625

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
615
GUARDIA.philosophes espagnols

teurs, et l’ennui que lui causait son hallucination. Il cite encore l’exemple d’un frénétique qui, s’étant enfermé dans sa chambre, portait tous ses meubles à la fenêtre, et demandait aux passants s’il devait les jeter dans la rue (Gal., de Differ. sympt., c. 3). Discutant le cas de Théophile, l’auteur remarque qu’il ne se rendait pas compte de l’hallucination, parce que la faculté du raisonnement n’était pas moins lésée que l’imagination. De là ses cris et ses ordres insensés. Gomez Pereira a vu plus juste que Galien. Il ne craignait pas, comme on voit, d’associer la clinique à la psychologie.

On a gratifié les animaux d’une autre faculté, le jugement, qu’on a placée dans le ventricule moyen, et dont on a fait une sorte de providence tutélaire. Gomez Pereira ne l’accorde qu’à l’homme. C’est elle qui lui fournit la fameuse formule, renouvelée de saint Augustin, et à laquelle il n’attachait pas, à beaucoup près, la même importance que Descartes. Tout le monde reconnaît la mémoire, qui conserve les images tant chez les animaux que chez l’homme. En résumé, il n’admet comme fonctions organiques internes que l’imagination et la mémoire, tantum imaginativa et memoria reperiuntur. Quant au sens commun et à la pensée, c’est à l’âme qu’il les faut rapporter : c’est l’âme qui pense, qui est la puissance intellective. Il attribue à la mémoire la faculté imaginative. Donc, en dehors de l’âme, les facultés organiques, aussi réduites qu’il se peut, sont les mêmes pour l’homme et pour l’animal.

Vient ensuite l’examen des opérations de l’entendement humain, d’après l’opinion reçue, savoir, la connaissance des universaux par les espèces intelligibles, dépouillées de tout ce qui est particulier dans la sensation, ou, ce qui revient au même, les images se transformant en espèces intelligibles, le particulier en général, le concret en abstrait. Que de questions soulève cette vieille thèse de l’antique psychologie classique ! Se peut-il que des images naissent les espèces intelligibles ? Je n’en crois rien, dit-il ; car, s’il est bien établi que l’image est matérielle, je ne puis comprendre comment on en peut tirer les espèces intelligibles. La lumière de l’intelligence ne saurait tirer de l’image d’un objet matériel une substance immatérielle, intelligible. Jamais l’image n’aura la force de produire une espèce intelligible.

Ce qui suit tend à montrer que l’espèce intelligible étant inutile, il la faut rejeter. Le développement de cette idée amène la réfutation de ceux qui invoquent le pouvoir de la volonté, et l’examen de l’opinion qui distingue l’intelligence de ses actes. L’intellection est un accident. Si l’acte intellectif se confondait avec l’âme, il n’y