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REVUE POUR LES FRANÇAIS

hâtaient la désagrégation finale. Il devenait évident que jamais la Suisse ne trouverait en elle-même la force nécessaire pour se transformer et s’unifier. On le vit bien.


la formation nationale

La Suisse moderne, c’est nous autres Français qui l’avons mise debout. Le tableau de son impuissance et de ses faiblesses montre suffisamment la nécessité de la grande secousse que lui donnèrent les armées de notre première République. N’était-ce pas d’ailleurs le Club suisse de Paris qui, dès 1790, avait préparé l’intervention ? N’étaient-ce pas Laharpe, l’utopiste, et Pierre Ochs, l’intrigant, qui insistaient, l’un près du Directoire, l’autre près de Bonaparte pour que la République helvétique, fille de la République française fut proclamée aux lieu et place de l’antique Confédération vermoulue ?

Et finalement la chose advint. Les novateurs avaient souhaité des républiques ; ils en eurent une kyrielle. Ils voulaient une Constitution ; on leur en donna à profusion. Il y eut d’abord la République lémanique installée à Lausanne sous notre égide. Quelques mois plus tard nous divisâmes arbitrairement la Suisse en trois républiques répondant aux noms harmonieux de Rhodanique, Telliane et Helvétique ; on groupait ainsi les cantons de langue française, ceux de langue allemande et la Suisse primitive. Ce chef-d’œuvre dura sept jours : il s’effondra sous la risée générale. Heureusement, dans le silence du cabinet, Ochs et Laharpe brodaient une Constitution unitaire selon le goût du jour ; dès qu’elle fut prête, le commissaire français qui régnait despotiquement à Berne convoqua un simulacre de Diète, lequel, par un simulacre de vote, transforma les cantons en vingt-trois départements administrés par des préfets dorés sur tranche et souples d’échine. La rébellion qui suivit fut étouffée dans le sang. Notons pourtant qu’à côté de mesures déraisonnables et d’avance vouées à un sort éphémère, la Constitution consacrait des réformes nécessaires et définitives : proclamer la séparation des pouvoirs, l’égalité des droits, la liberté du commerce et de l’industrie, le rachat des dîmes, l’égalité devant l’impôt, c’était chasser de Suisse les abus qui menaçaient l’existence nationale et ouvrir au pays une ère nouvelle pleine de promesses.

Lorsque Bonaparte, revenu d’Égypte, eut mis le pied sur la première marche du pouvoir absolu, les modérés trouvèrent accès