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BRAMANTE

sauvage terreur. Je n’insisterai pas sur les détails de cette tombe, si incohérente qu’elle serait inexplicable si l’on ne savait qu’elle fut faite en utilisant tant bien que mal des fragments sculptés à diverses reprises en vue de projets différents. Il faut remarquer pourtant combien frappantes sont la sécheresse et la nudité de toutes les parties supérieures, faites tardivement, et combien elles contrastent par leur tristesse avec le brillant décor et la richesse de tous les fragments de date antérieure.

La chapelle funéraire des Médicis et les Tombeaux qu’elle renferme nous permettront de faire des constatations analogues : commandés par Léon X, au milieu des splendeurs et des triomphes de la papauté, ces tombeaux ne furent terminés que vingt ans plus tard, après la tristesse des invasions et de la défaite. Plus encore que la tombe de Jules II, ils portent la marque du désespoir qui étreignit l’Italie dans ces jours funestes, et Michel-Ange y a mis la plus poignante expression de la douleur d’une grande âme pleurant les malheurs de sa patrie. L’œuvre qui a été toute transformée en cours d’exécution n’est plus qu’un fragment des projets primitifs, et seules quelques statues sont là disant la pensée du maître. Mais ces statues sont si belles que notre esprit subjugué les admire comme une des œuvres les plus géniales de l’art, sans penser à critiquer la partie architecturale qui, toute mutilée, est devenue pour ainsi dire incompréhensible[1].

  1. Voir mon article sur l’Architecture des Tombeaux des Médicis dans la Gazette des Beaux-Arts. Janv. 1908.