Page:Ribié - Geneviève de Brabant, 1804.djvu/3

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ACTE PREMIER.

(Le théâtre représente un salon richement orné ; on voit le portrait de Sifroi.)

SCÈNE PREMIÈRE.

GOLO, IMBERT.

Golo.

Je ne puis supporter plus long-tems, mon cher Imbert, l’état où je me trouve. Placé près de Geneviève, par un époux qu’elle chérit, et dont elle est adorée, j’ai fait, son départ pour l’armée, le serment de consacrer mes soies au bonheur de son épouse : alors je n’écoutais que l’amitié et je croyais toute ma vie n’éprouver auprès d’elle que ce seul sentiment ; mais le besoin de la voir plus souvent pour lui parler de son époux, et la consoler de son absence, la confiance dont elle m’honore, cette douceur qui fait le charme de son esprit, cette beauté, don précieux de la nature, tout a détruit ma raison et m’a rendu parjure à l’amitié. Je ne puis vivre sans posséder son cœur, sans lui déclarer mes feux. Si je suis rejetté, il n’est aucun moyen que je n’employe pour la fléchir, pour la perdre même, plutôt que de renoncer à mon malheureux amour.

Imbert.

Mais ne craignez-vous pas le retour prochain de Sifroi ; vainqueur de la dernière bataille, vous savez qu’il envoye à Geneviève les trophées qu’on lui a decernés, récompense due à son courage et à ses vertus. Ce général vainqueur, ce père tendre, cet époux chéri, ne ferait-il pas disparaître cet amant égaré, qui, sous le titre d’ami, est un être précieux ; mais reconnu pour amant serait un fléau redoutable.

Golo.

Je sais toutes les suites funestes que peut entraîner cette déclaration. Le coup va être porté. Il faut mettre maintenant plus d’adresse que de prudence, et me servir, s’il le faut, de l’empire que j’ai dans cette maison, où tout m’est soumis. Je compte sur ton amitié ; j’aurai besoin de toi, sans doute : je connais ton zèle, ton intelligence, crois que je ne mettrai point de bornes à mes bienfaits si tu secondes mes hardis projets. Elle ne doit point tarder à paraître ; c’est ici qu’elle s’occupe à multiplier les traits de mon heureux rival.