Page:Ribot - La vie inconsciente et les mouvements, 1914.djvu/139

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négliger les différences moins sensibles et à ne s’attarder qu’aux ressemblances saillantes qui ne sont pas toujours les caractères les plus importants.

« L’abstraction résulte ainsi d’une sélection opérée parmi les éléments du phénomène dont quelques-uns sont retenus, d’autres négligés ; elle est une interprétation et suppose ainsi une opération préexistante, un jugement de valeur sur ce qui est important et sur ce qui ne l’est pas dans un phénomène et arrange la perception d’après des besoins subjectifs qui la faussent, la déforment et constituent de ce fait une source d’erreur. La pensée abstraite est une nécessité biologique, parce qu’elle épargne beaucoup de travail difficile ; mais cet avantage n’est obtenu qu’au prix de grands préjudices. La pensée abstraite est certainement commode puisqu’elle dispense de l’effort qu’exige l’attention concentrée au cours de l’observation et de la compréhension de la réalité, mais elle perd en certitude ce qu’elle gagne en facilité. Elle s’écarte trop facilement du phénomène concret, le seul qui soit objectivement vrai, et crée dans la conscience une illusion subjective au lieu d’une connaissance.