Page:Ribot - Les Maladies de la volonté.djvu/139

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Quand cet état est atteint, l’extatique présente certains caractères physiques : tantôt immobile et muet, tantôt traduisant la vision qui le possède par des paroles, des chants, des attitudes. Rarement il se déplace. Sa physionomie est expressive ; mais ses yeux, même ouverts, ne voient pas. Les sons n’agissent plus ; sauf, dans quelques cas, la voix d’une certaine personne. La sensibilité générale est éteinte ; nul contact n’est senti ; ni piqûre ni brûlure n’éveillent la douleur.

Ce qu’il éprouve intérieurement, l’extatique seul peut le dire, et, s’il n’en gardait au réveil un souvenir très net, les profanes en seraient réduits aux inductions. Leurs récits et leurs écrits montrent, au milieu des différences de races, de croyance, d’esprit, de temps et de lieu, une frappante uniformité. Leur état mental se réduit à une idée-image unique ou servant de

    plaisir de la satisfaction intérieure, sans le juger ni même le comprendre.
    Au troisième degré, le plaisir de la satisfaction a disparu, le sage est tombé dans l’indifférence à l’égard du bonheur qu’éprouvait encore son intelligence. Tout le plaisir qui lui reste, c’est un vague sentiment de bien-être physique dont tout son corps est inondé ; il a encore une conscience confuse de lui-même.
    Enfin, au quatrième degré, le yogui ne possède plus ce sentiment de bien-être physique, tout obscur qu’il est ; il a également perdu toute mémoire ; il a même perdu le sentiment de son indifférence. Libre de tout plaisir et de toute douleur, il est parvenu à l’impassibilité, aussi voisine du nirvâna qu’elle peut l’être durant cette vie. (Barth. Saint-Hilaire, Le Bouddha et sa religion, p. 136, 137.)