Page:Ribot - Les Maladies de la volonté.djvu/142

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puis plus comprendre comment j’ai pu le faire, ce qui m’arrive souvent. »

Au troisième degré, voici l’extase : « Cet état est un sommeil des puissances [facultés] où, sans être entièrement perdues en Dieu, elles n’entendent pourtant pas comment elles opèrent… On dirait quelqu’un qui, soupirant après la mort, tient déjà en main le cierge bénit et n’a plus qu’un souffle à exhaler pour se voir au comble de ses désirs. C’est pour l’âme une agonie pleine d’inexprimables délices, où elle se sent presque entièrement mourir à toutes les choses du monde et se repose avec ravissement dans la jouissance de son Dieu. Je ne trouve point d’autres termes pour peindre ni pour expliquer ce qu’elle éprouve. En cet état, elle ne sait que faire : elle ignore si elle parle, si elle se tait, si elle rit, si elle pleure ; c’est un glorieux délire, une céleste folie, une manière de jouir souverainement délicieuse… Tandis qu’elle cherche ainsi son Dieu, l’âme se sent avec un très vif et très suave plaisir défaillir presque tout entière ; elle tombe dans une espèce d’évanouissement qui peu à peu enlève au corps la respiration et toutes les forces. Elle ne peut sans un très pénible effort faire même le moindre mouvement des mains. Les yeux se ferment sans qu’elle veuille les fermer, et, si elle les tient ouverts, elle ne voit presque rien. Elle est incapable de