Page:Ribot - Les Maladies de la volonté.djvu/145

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Je ne suivrai pas sainte Thérèse dans sa description du « ravissement » (ch. XX), « cet aigle divin qui avec une impétuosité soudaine vous saisit et vous enlève. » Ces extraits suffisent, et, si on les lit avec attention, on n’hésitera pas à leur attribuer toute la valeur d’une bonne observation psychologique[1].

En examinant les relations détaillées d’autres extatiques (que je ne peux rapporter ici), je trouve qu’il y a lieu, pour notre sujet, d’établir deux catégories.

Dans la première, la motilité persiste à un certain degré. L’extatique suit dans son évolution et reproduit avec des mouvements appropriés la Passion, la Nativité ou quelque autre drame religieux. C’est une série d’images très intenses, ayant un point de départ invariable, un enchaînement invariable qui se répète dans

  1. Sainte Thérèse décrit ainsi son état physique pendant ses « ravissements » : « Souvent mon corps devenait si léger qu’il n’avait plus de pesanteur ; quelquefois c’était à un tel point que je ne sentais plus mes pieds toucher à terre. Tant que le corps est dans le ravissement, il reste comme mort et souvent dans une impuissance absolue d’agir. Il conserve l’attitude où il a été surpris ; ainsi il reste sur pied ou assis, les mains ouvertes ou fermées, en un mot dans l’état où le ravissement l’a trouvé. Quoique d’ordinaire on ne perde pas le sentiment, il m’est cependant arrivé d’en être entièrement privée : ceci a été rare et a duré fort peu de temps. Le plus souvent, le sentiment se conserve ; mais on éprouve je ne sais quel trouble ; et, bien qu’on ne puisse agir à l’extérieur, on ne laisse pas d’entendre : c’est comme un son confus qui viendrait de loin. Toutefois, même cette manière d’entendre cesse, lorsque le ravissement est à son plus haut degré. » (Ibid., p. 206.)