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seur Stubbs, a un droit sur la terre commune de son township ; son nom latin, villanus, a été un symbole de liberté, mais ses privilèges étaient attachés à la glèbe ; lorsque le baron normand prit la terre, il prit aussi le vilain. Néanmoins le vilain garda ses droits coutumiers, sa maison avec sa terre et ses droits d’affouage et de pacage. La culture du domaine du seigneur dépendait des services du vilain ; enfin il était de l’intérêt personnel du seigneur de protéger le vilain au même titre qu’un cheval ou un bœuf. » Nous lisons dans Innes un passage d’un sens et d’une importance analogues. « J’ai dit, écrit-il, que, parmi les habitants de la Grange, les plus inférieurs dans l’échelle sociale étaient les ceorls, serfs ou vilains, qu’on se transmettait comme la terre qu’ils cultivaient, qu’on pouvait traquer et ramener s’ils tentaient de s’échapper, comme un bœuf ou un mouton égaré. Le nom légal de nations ou neyf que je n’ai trouvé que dans la Grande-Bretagne, paraît indiquer qu’ils tiraient leur origine de la race primitive, celle des possesseurs primitifs du sol… Dans le registre de Dunfermline, on lit beaucoup de généalogies, comme celles qu’on tient aujourd’hui pour les chevaux de la race, qui permettaient au seigneur de suivre et de revendiquer ses serfs en s’appuyant sur leur filiation. On peut remarquer que la plupart d’entre ces serfs portent des noms celtiques. »

Évidemment, un territoire conquis serait demeuré inutile faute de cultivateurs on le laissait dès lors aux mains des cultivateurs primitifs, parce qu’il n’y avait rien à gagner à en mettre d’autres à leur place, quand même on aurait pu en trouver un nombre égal. Aussi, s’il était de l’intérêt du vainqueur d’attacher tous les anciens cultivateurs au sol, il l’était aussi de lui abandonner une certaine quantité du produit des cultures assez grande pour lui permettre d’élever des enfants, comme il l’était encore de le protéger contre les mauvais traitements qui le rendraient incapable de travailler.

Pour montrer que cette distinction entre l’esclavage dans son type primitif et l’esclavage sous la forme du servage est fondamentale, il suffit de dire que, si l’esclavage peut exister et existe chez les sauvages et les tribus pastorales, le servage n’est possible qu’après que la société a atteint la période agricole ce n’est qu’alors que peut exister l’annexion d’une société par une autre, et qu’il peut exister un lien capable d’attacher l’homme au sol.

Les hommes associés qui vivent de chasse, et pour qui le territoire occupé n’a de valeur que comme habitat de gibier, ne sauraient jouir de ce territoire autrement que par une participation commune : la propriété chez eux ne peut être qu’une propriété collective. Naturellement, au début, tous les adultes mâles, à la fois chasseurs et