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ANALYSESth. desdouits. — La Métaphysique.

considération convaincante. Il n’est pas difficile de voir partout le défaut de l’argumentation, mais il serait long de le montrer. D’une manière générale, M. Desdouits arrive à de prétendues vérités par le raisonnement. Certes le raisonnement est une excellente chose ; encore faut-il qu’il soit bien fait et que dans un syllogisme, par exemple, les prémisses ne soient pas fausses. Nous avons déjà indiqué quelques-uns des raisonnements de l’auteur en voici un autre, qui les dépasse. M. Desdouits, parlant de l’union du corps et de l’âme, admet que nous sommes une seule personne en deux substances. « C’est pourquoi, dit-il, même abstraction faite de toute révélation religieuse, il y a une grande vraisemblance dans la doctrine de la résurrection de la chair ; car mon âme, douée par essence d’une faculté motrice, ne saurait être privée que provisoirement, par la mort, de l’exercice de cette faculté inhérente à sa nature, » Certes, il serait facile ici de discuter et même, en se plaçant au point de vue spiritualiste, de faire voir le peu de valeur de l’argument mais ; est-ce bien la peine ?

Les prémisses du syllogisme, chez M. Desdouits, étant surtout des propositions métaphysiques il aurait dû au moins en montrer la valeur et discuter à fond les nombreuses analyses des adversaires de la métaphysique. Cette discussion existe dans son livre, mais elle paraît n’avoir été faite que pour des gens déjà convaincus. Voici par exemple un argument contre la théorie de Hume sur la cause. Cette théorie, d’après M. Desdouits, rend inexplicable le fait de la responsabilité morale. « En quoi, dit-il, pourrais-je être responsable d’un fait qui a suivi ma volition, si elle n’a exercé aucune influence sur la production de ce fait ? Je ne puis être déclaré coupable d’une action que si elle a dépendu de moi. Et, d’après la doctrine de Hume, mes actions ne dépendent de moi en aucune façon ; elles suivent ma volonté, mais n’en résultent pas ; mon vouloir n’est pas l’auteur de mes actes, il n’en est que le prédécesseur. »

Nous trouvons aussi, comme il fallait s’y attendre, l’apologie de la métaphysique au point de vue de la morale. « Malheur à une époque où l’on ne croirait plus qu’aux faits ! Car il n’y a pas loin d’une philosophie qui ne croit qu’aux faits à une morale à une politique où les faits sont tout, où la justice, c’est-à-dire l’idée, n’est rien. Une doctrine qui regarde l’homme et l’histoire de l’humanité comme des phénomènes naturels ; conduit directement à regarder les lois sociales comme des lois physiques ; or que sont les lois physiques sinon le triomphe de la force ? Il importe donc à notre dignité et à notre grandeur morale de ne pas laisser périr la foi aux idées, aux vérités suprasensibles. C’est là la tâche et la raison de la métaphysique. »

Ce n’est tout que de faire de la métaphysique, il n’y a qu’un système de bon. «  La métaphysique sera spiritualiste, dit M. Desdouits, ou elle ne sera pas. » Le second terme de l’alternative ne déplairait pas à quelques personnes. M. Desdouits préfère le premier et ne s’en tient pas là. « Nous croyons devoir ajouter, dit-il, qu’elle sera chrétienne ou