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ANALYSESA. Rosenthal. — Die monitische Philosophie.

L’auteur, qui a pris pour épigraphe le mot de Tacite « Sine ira et studio, » ne s’avise pas de dogmatiser. Son livre contient plutôt, après une assez longue étude historique, des réflexions sur les résultats les plus généraux de la philosophie, ses tendances, les caractères qui la distinguent de la science et d’éloquentes exhortations aux chercheurs de l’avenir. C’est aussi de ce dernier chapitre que nous nous occuperons principalement. S’il ne contient pas d’idées bien neuves, il nous a paru cependant assez digne de remarque.

Depuis Descartes, d’après M. Rosenthal, les philosophes n’ont cessé de faire des efforts pour parvenir à connaître plus clairement le moi et le monde, pour exclure de plus en plus de l’explication du monde toute influence extérieure, la ramener à des lois toujours plus simples, démontrer l’existence d’une conscience en dehors des choses, et en venir enfin à trouver intimement unis dans l’être primitif le plus simple les éléments nécessaires de tout développement ultérieur ; le mouvement et la sensation.

Tel serait le résultat des travaux de Descartes, de Spinoza, Leibnitz, Kantet Schopenhauer, que M. Rosenthal étudie successivement, quelle que soit sur plus d’un point la diversité de leurs opinions, et ce résultat est mis en relief par les recherches plus récentes encore de Geiger et de M. Noiré. Pour ce dernier, qui est, en Allemagne, l’un des représentants de la philosophie monistique, « le monde est, du dehors, mouvement ; du dedans, sensation et volonté. Le mouvement constitue le phénomène la sensation et la volonté sont la chose en soi. » Tout ce qui est n’est que le développement de ce double facteur, et ce tout est susceptible d’un développement illimité.

Si c’est là le dernier mot, au moment où nous sommes, des spéculations philosophiques, quelle différence y a-t-il entre le savant proprement dit et le penseur ? Le premier ne s’occupe que de ce qui est physiquement perceptible ; il se contente de rattacher une action extérieure à une cause extérieure, de montrer que la forme et le caractère d’une chose dépendent des propriétés de ses parties constitutives. Dans ces limites, la science se meut avec une sûreté digne d’envie. Mais l’esprit humain aime et recherche partout l’unité et depuis longtemps déjà il soupçonne l’existence d’une loi universelle qui préside au développement et aux combinaisons infinies de l’ensemble des choses visibles. Ici, le savant commence à empiéter sur le domaine du philosophe, mais il ne deviendrait vraiment philosophe lui-même que s’il cessait de s’occuper des purs phénomènes pour s’enquérir de l’intérieur des choses, de ce qui apparaît et non plus de l’apparition seulement. La science, il est vrai, tomberait alors sous la dépendance de la pensée philosophique, et, si l’alliance entre l’observation du sensible et la spéculation métaphysique était conclue trop vite, le savant ne manquerait pas d’aboutir à des contradictions de là une déception et par suite, comme nous l’avons vu de notre temps, la résolution de dépouiller toute velléité de penser, pour se consacrer exclu-