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j. delbœuf. — le dernier livre de g. h. lewes

certaines stimulations d’une certaine manière. En quoi diffère à cet égard la muqueuse intestinale ? La seule différence, c’est que les sensations de l’odorat ou du goût sont attribuées à des causes objectives.

Lewes réserve le nom de systémiques aux sensations autres que celles des cinq sens. Chez les animaux inférieurs, dit-il, les sensations systémiques doivent jouer le plus grand rôle. Ils sont poussés agir par une stimulation interne, provoquée peut-être par une impression de contact. Ce n’est qu’à la longue qu’apparaissent les sens différenciés, et ceux-ci, quelle que soit leur importance subséquente, n’annulent ni ne déplacent la sensibilité systémique. Quant à l’origine du plaisir et de la peiue, Lewes la considère comme mystérieuse, d’autant plus mystérieuse que bien des affections sensibles n’ont pas ces qualités.

Je souscris avec empressement à toutes les assertions précédentes, sauf à cette dernière. Certes, en fait, nous pouvons être affectés de bien des manières sans sortir de l’indifférence, de même que nous exécutons spontanément maints mouvements qui paraissent n’être ni agréables ni désagréables. Mais il en est du plaisir et de la peine comme de toutes les sensations et de tous les sentiments. Ils peuvent être tellement faibles qu’on ne les remarque pas. Et cette atténuation pourra être due à l’habitude, soit acquise, soit héréditaire, aussi bien qu’à un état particulier et momentané de l’organisme. Est-il rien de plus agréable que de boire un verre d’eau fraîche et pure quand on est dévoré par la soif ? D’un autre côté, n’était-ce pas une torture inventée par l’horrible imagination des inquisiteurs que de gorger d’eau un hérétique ? Entre ces deux extrêmes, il y a place pour l’indifférence, sans doute. Mais, comme dans toutes les quantités continues qui changent de signe, ce zéro est un instant de passage, qu’on peut à peine considérer comme une réalité. Ce n’est qu’en théorie qu’on peut asseoir une pyramide sur son sommet. Je pense donc qu’en soi et à l’origine surtout, toute sensation et tout mouvement sont agréables ou désagréables.

Qu’on me permette un exemple un peu grossier, mais saisissable. L’accumulation de l’urine dans la vessie devient à la longue pénible, et l’évacuation est accompagnée d’un vif sentiment de soulagement et de plaisir. Eh bien, il me semble que la sécrétion de l’urine par les reins est, dans son genre, un phénomène analogue à l’évacuation, et qu’à l’origine tout au moins elle était précédée d’une sensation de peine et suivie d’une sensation de plaisir. Ce sentiment, nous ne l’éprouvons plus, mais l’explication du fait ne sera pas difficile à donner. L’animal, sous sa forme la plus simple, la plus rudimentaire