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l’occasion de montrer et de produire la subordination ; plus tard, le développement du pouvoir politique conserve sa relation première avec l’exercice des fonctions militaires.

On se ferait néanmoins une idée fausse de l’origine de l’autorité politique si l’on ne parlait que de cette source. Une autre influence, agissant tantôt seule, tantôt avec le concours de celle dont nous venons de parler, a une importance extrême : c’est celle du sorcier.

On ne saurait dire qu’elle naisse aussi tôt que l’autre, puisqu’elle ne peut se produire que lorsque la théorie animiste a pris corps. Mais, dès que la croyance aux esprits des morts s’est établie, le sorcier qui prétend gouverner ces esprits et qui inspire la foi, en ses prétentions, devient un objet de crainte et impose l’obéissance. On nous raconte que chez les Thlinkits « le suprême exploit de la puissance d’un sorcier est de faire passer un des esprits auxquels il commande dans le corps de l’individu qui refuse de croire à sa puissance, sur quoi le possédé perd connaissance ou tombe en convulsions ». Cela nous donne une idée de la terreur que le sorcier inspire et de l’autorité que par suite il peut gagner. Nous en avons des preuves depuis les races les plus inférieures jusqu’aux plus élevées. Fitzroy dit que « le sorcier chez les Fuégiens est le plus adroit et le plus fourbe de la tribu, et qu’il a une grande influence sur ses compagnons, « Bien que les Tasmaniens ne vécussent pas courbés sous le despotisme de leurs chefs, ils s’inclinaient devant les conseils, ils obéissaient au prestige de certains sages ou savants et ils tremblaient devant eux. » Un chef des Haidahs « semble le principal sorcier de la peuplade, et il n’aurait même qu’une faible autorité en dehors de celle qu’il tient de sa puissance surhumaine. » Les sorciers Dacotahs « sont les plus grands coquins de la tribu, ils exercent une influence énorme sur l’esprit des jeunes gens, qu’on élève dans la croyance à leurs pouvoirs surnaturels… Le chef militaire, qui mène les guerriers à la bataille, est toujours un sorcier, et l’on croit qu’il a le pouvoir de mener les siens à la victoire ou de les sauver de la défaite. » Chez les peuples plus avancés de l’Afrique, une prétendue puissance d’opérer des effets surnaturels donne pareillement de l’influence, en fortifiant l’autorité acquise par une autre voie. Il en est ainsi chez les Amazulus : un chef « ensorcelle un autre chef avant de le combattre », et les siens ont en lui une grande confiance s’il a une grande renommée comme magicien. Telle est l’origine du pouvoir de Langalibable, qui, d’après l’évoque Colenso, « sait bien la composition de cet intelezi (en usage pour commander au temps) et sait bien aussi la sorcellerie de guerre, c’est-à-dire ce qui la compose, étant lui-même un savant. On voit mieux encore comment l’influence du roi des