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herbert spencer. — les chefs politiques

s’opère d’autre manière encore. En effet, quelques-uns de ces exemples sont du nombre de ceux où la succession au rang souverain se trouve fixée quant à la famille, mais non quant au membre de la famille : état qui suppose que l’institution du chef politique possède une stabilité incomplète. Il y en a divers exemples en Afrique. La couronne d’Abyssinie, dit Bruce, est héréditaire dans une famille, mais élective quant à la personne du roi. » « Chez les Timmanis et les Bulloms, la couronne reste dans la même famille ; mais le chef ou les chefs du pays de qui dépend l’élection d’un roi ont toute liberté de nommer un membre d’une branche éloignée de cette famille. » Enfin, chez les Cafres, « une loi veut que le successeur du roi soit choisi parmi les princes les plus jeunes. » À Java et aux iles Samoa, aussi, la succession à l’autorité suprême ne sort pas de la famille, mais elle n’est qu’imparfaitement réglée en ce qui concerne l’individu à qui elle doit échoir.

Naturellement, nous ne prétendons pas que la stabilité de l’autorité du chef soit assurée par l’établissement de la filiation dans la ligne masculine. Nous voulons seulement dire que la succession d’après ce mode mène mieux à la stabilité qu’aucune autre. Entre toutes les raisons plausibles qu’on en peut donner, en voici une : dans le groupe patriarcal développé chez les races pastorales d’où les principaux peuples civilisés sont descendus, le sentiment de subordination à l’amé, entretenu par les circonstances dans la famille et la gens, facilite une subordination d’une plus grande étendue dans les groupes plus vastes formés ultérieurement. Une autre raison, c’est qu’avec la filiation masculine la conjonction de la capacité et de la suprématie est plus fréquente. Le fils d’un grand guerrier, ou d’un chef doué de talents politiques d’un autre genre, aura plus de chances de posséder les mêmes qualités que le fils de sa sœur ; et, s’il les possède, il arrivera qu’en ces premiers temps, alors que la supériorité personnelle est nécessaire aussi bien que la légitimité des droits, la succession en ligne masculine mènera plus facilement à la conservation du pouvoir, en ce qu’elle rendra l’usurpation plus difficile.

Toutefois, il y a une influence plus puissante qui concourt à donner de la permanence à la possession de l’autorité politique et qui s’accorde mieux avec la descendance masculine qu’avec la féminine, et cette influence est plus considérable probablement qu’aucune autre.

En parlant du respect pour l’âge que l’autorité patriarcale engendre partout où la filiation masculine s’est établie, nous avons cité des exemples qui ont révélé en outre un autre résultat, à savoir que le patriarche mort, adoré par ses descendants, devient une divinité familiale. Nous avons donné en abondance des preuves,