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darmesteter. — les cosmogonies aryennes

Mais c’était une solution qui ne résolvait rien : Indra est un être personnel, et par suite né. On savait d’ailleurs qu’il était Dieu fils, étant né dans la nuée, de la nuée, un frère, une forme d’Agni, « le fils des Eaux[1] » Mais, si le Dieu qui aurait pu aspirer au titre de créateur tombe lui-même sous la loi de création, il y a une chose qui, dans toutes ces créations du monde, est immuable et toujours présente : c’est la matière même dont elles sont faites, c’est le néant où elles opèrent, celui de la nuée ténébreuse ; c’est toujours de là que sort le soleil, la lumière, la renaissance, et c’est elle que nous allons retrouver au seuil de toutes ces cosmogonies. Autant la nuée ténébreuse contient d’éléments agissant en elle et revêt de formes mythiques, autant elle produira de formules cosmogoniques, autant elle donnera de principes premiers, de formations diverses, soit isolées, soit combinées.

Chapitre II

Principes cosmologiques de l’Inde.

§ 6. La nuit et les eaux. § 7. L’embryon d’or, l’œuf cosmique. § 8. L’amour. § 9. La lutte. § 10. L’arbre. § 11. Conclusion.


§ 6. La formule la plus simple et la plus proche des origines posera au début la nuée même, la nuée ténébreuse, c’est-à-dire la nuit et les eaux :

La Nuit fut ; enveloppé dans la Nuit au début,
tout cet univers n’était qu’une Onde indistincte[2].

Cette formule du Rig Véda contenait en germe deux systèmes :

Le monde naît des eaux
Le monde naît de la nuit.

Nous verrons la Grèce développer l’un et l’autre (§§ 13-14 ; cf. § 22). L’Inde ne s’arrêta pas à cette formule ; mais, dans tous les développements subséquents, elle en fit le premier mot de ses créations : toutes les spéculations du brahmanisme mettront les eaux au seuil du monde et s’ouvriront par les mots classiques : « Au commencement, cet Univers n’était qu’Eaux[3]. »

  1. Apâm napât ; « le fils des Eaux », parce que le feu sort de la nuée.
  2. R. V., 10, 129, 3. Voir tout l’hymne § 40.
  3. Apo ha vai idam agre salilam eva âsa ; — âpas eva idam agre âsus. Cf. Muir’s Sanskrit texts, IV, 24.