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« Quand j’ai commencé, dit-il, à m’adonner aux mathématiques, j’ai lu la plupart des ouvrages de ceux qui les ont cultivées, et j’ai étudié de préférence l’arithmétique et la géométrie, parce qu’elles étaient, disait-on, les plus simples, et comme la clef de toutes les autres sciences ; mais je ne rencontrai ni dans l’une ni dans l’autre un auteur qui me satisfit complètement… Quand je me demandai pourquoi les premiers inventeurs de la philosophie voulaient n’admettre à l’étude de la sagesse que ceux qui avaient étudié les mathématiques, comme si cette science eût été la plus facile de toutes et la plus nécessaire pour préparer et dresser l’esprit à en comprendre de plus élevées, j’ai soupçonné qu’ils reconnaissaient une certaine science mathématique différente de celle de notre âge… Je crois rencontrer quelques traits de ces mathématiques véritables dans Pappus et dans Diophante… Enfin quelques hommes d’un grand esprit ont, dans ce siècle, essayé de relever cette méthode, car elle ne parait autre que ce qu’on appelle du nom barbare d’algèbre, pourvu qu’on la dégage assez de cette multiplicité de chiffres et de ces figures inexplicables qui l’écrasent, pour lui donner cette clarté, cette facilité suprêmes qui, selon nous, doit se trouver dans les vraies mathématiques… En réfléchissant attentivement à ces choses, j’ai découvert que toutes les sciences qui ont pour but la recherche de l’ordre et de la mesure se rapportent aux mathématiques, qu’ainsi il doit y avoir une science générale qui explique tout ce qu’on peut trouver sur l’ordre et la mesure, prises indépendamment de toute application à une matière spéciale, et qu’enfin cette science est appelée d’un nom propre et depuis longtemps consacré par l’usage, savoir les mathématiques, parce qu’elle contient ce pourquoi les autres sciences qui en dépendent sont dites faire partie des mathématiques[1]. »

Tous les mathématiciens modernes ont suivi Descartes dans la voie qu’il avait ainsi tracée, à commencer par Leibniz, qui a écrit son premier ouvrage de arte combinatoria. En se soumettant à une tradition qui remonte à Descartes, M. Cournot n’a assurément rien de particulier ; mais on peut suivre une tradition de bien des manières. M. Cournot a la sienne que nous devons chercher à préciser.

La première application de la science de l’ordre ou syntactique[2] est la théorie des combinaisons. On a soutenu que la science de l’ordre se réduit à la théorie des combinaisons c’est une erreur. La théorie des combinaisons n’est qu’une application de la science de

  1. Règles pour la dir., de l’esp., XI, 219, éd. Cousin.
  2. Le mot est de M. Cournot.