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dans un milieu pervers. Ce n’est que sur cette catégorie de criminels possibles que l’éducation peut avoir quelque prise. S’il fallait leur donner un nom, je les appellerais les neutres.

C’est encore dans une autre catégorie d’héréditaires qu’il faut ranger les individus intelligents et énergiques, parfaitement maîtres d’eux-mêmes, mais à moralité nulle ou à instincts pervers. La plupart n’iront pas jusqu’au crime, ou au moins jusqu’au crime sévèrement puni ; mais, uniquement par crainte de la répression. Leur morale aura juste pour limites les prescriptions du Code pénal. Nombreuse est cette catégorie, depuis le commerçant qui altère la santé publique en falsifiant sa marchandise jusqu’à l’entrepreneur d’entreprises financières véreuses qui ruine les familles. De toutes les catégories de criminels que j’ai énumérées, celle-ci est la moins atteinte par les lois ; elle est cependant la plus dangereuse et la moins digne d’égards. L’éducation n’a aucune prise sur elle. Seule la répression légale en posséderait, si elle était très dure. Quand cette répression est douce, les individus dont je parle tentent volontiers de passer à travers les mailles du Code et y réussissent la plupart du temps.

La seconde grande classe que nous avons établie parmi les criminels, celle des individus sans aptitudes héréditaires, mais à lésions acquises, diffère absolument de toutes les précédentes. L’individu doué des dispositions héréditaires les plus honnêtes est aussi exposé à devenir un criminel de cette classe qu’à être victime d’un accident de chemin de fer, du choléra ou de la variole. Un misérable parasite égaré dans les profondeurs du système nerveux peut créer des lésions qui transforment l’homme le plus vertueux en un scélérat capable de commettre tous les crimes. La paralysie générale au début, alors que la raison paraît encore intacte ; l’épilepsie notamment, sous

    à quelques mots de mécontentement, l’homme impulsif des vieux âges se porte immédiatement aux dernières extrémités. « Je ne dormis pas toute la nuit, dit-il, réfléchissant à ce que je pouvais faire pour me venger. Tantôt il me prenait fantaisie de mettre le feu à la maison, tantôt de lui égorger quatre bons chevaux qu’il avait dans son écurie. Je voyais que tout cela était facile, mais je ne voyais pas qu’il le fût autant de me sauver moi et mon camarade. » Arrêté dans ses projets de meurtre et d incendie, uniquement par la difficulté de s’échapper ensuite, Benvenuto se borne à faire avec un couteau des entailles dans quatre lits neufs, jusqu’à ce que j’eusse vu dit-il, qu’il y avait bien pour plus de 50 écus de dégâts. Impulsions violentes, raison faible, moralité nulle, tels sont ces caractères que nous pouvons encore étudier aujourd’hui chez les enfants, les sauvages, la plupart des femmes, et toute une catégorie de criminels. Ils obéissent aussi fatalement à l’impulsion du moment que la girouette obéit à l’action du vent.