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Dr Ch. richet. — la mémoire élémentaire.

durée de ce retentissement, de sorte qu’en apparence le nerf et le muscle sont revenus à l’état primitif, alors qu’en réalité ils sont encore modifiés par l’excitation qui vient de les atteindre.

On ne peut prouver que d’une seule manière ce retentissement silencieux d’une excitation c’est en constatant une augmentation extrême de l’excitabilité. Pour cela, voici comment on procède. On cherche quelle est l’excitation minimum qui puisse faire contracter un muscle c’est ce qu’on appelle le seuil de l’excitation (Reizschwelle) : puis on diminue très peu la force de l’excitant, qui devient alors inefficace. Mais cette inefficacité n’existe que si l’excitant est isolé, car, s’il se répète, il devient efficace. Donc les excitations qui précèdent ont accru l’excitabilité du nerf ; donc elles ont laissé après elle un certain changement, une vibration latente, expression incorrecte, mais qui indique cependant assez bien qu’il y a alors ébranlement moléculaire, impossible à apercevoir.

Pour le nerf et le muscle, sauf les cas particuliers, cette vibration latente ne dure guère plus d’une seconde au maximum, tandis que, pour les centres nerveux et la moelle, elle est beaucoup plus longue.

On démontre qu’elle existe, et on mesure sa durée maximum, en cherchant quelles sont les excitations qui peuvent provoquer un mouvement réflexe. Pour cela, on procède comme pour le nerf, et on peut alors constater que des excitations électriques, isolées et faibles, provoquent un mouvement réflexe (c’est-à-dire la mise en jeu de l’activité de la moelle), même lorsqu’elles sont séparées par des intervalles d’une minute ou deux minutes. Cependant, si elles sont isolées complètement, ces mêmes excitations peuvent être tout à fait incapables d’ébranler ou de faire vibrer la moelle épinière.

Cette expérience s’exécute bien sur les grenouilles ; mais on peut la faire aussi sur l’écrevisse. Je suppose qu’on excite les ganglions nerveux de ce crustacé, ganglions qui sont les homologues de la moelle épinière ; on trouvera que les trois ou quatre premières excitations, séparées par un intervalle d’une demi-minute par exemple, restent sans action, alors que la quatrième provoquera un mouvement de l’animal. Cela tient évidemment à ce que les premières excitations avaient excité les ganglions ; la trace de cette excitation n’avait donc pas complètement disparu, puisque la quatrième, venant après les autres, a trouvé les ganglions plus excitables.

La figure ci-après indique ce phénomène (fig. 2). Les quatre premières excitations n’ont eu aucun effet, mais la cinquième a provoqué un mouvement de l’animal (les petits traits de la ligne S indiquent les excitations électriques, la ligne M montre la secousse du muscle).