Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 11.djvu/574

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
570
revue philosophique

pture, de la peinture et même de la poésie, le mouvement ne jouerait pas aussi le rôle principal.

J’avais complètement terminé le présent travail, lorsque j’eus occasion de lire un article de M. James Sully, inséré dans le No de mai 1880 de la Revue philosophique, et où le mouvement oculaire était présenté comme le facteur essentiel du plaisir causé par la contemplation des formes matérielles. Cette lecture me fit éprouver un double sentiment, bien connu des chercheurs solitaires : la satisfaction de voir plusieurs des résultats auxquels j’étais arrivé confirmés par l’autorité d’un esprit éminent, et un certain regret d’être officiellement devancé sur un terrain jusqu’alors peu exploré, au moins à ma connaissance.

Néanmoins la question est si vaste que, même après l’article de M. James Sully, les considérations qu’on va lire ne paraîtront peut-être pas dénuées de tout intérêt.

Les beaux-arts peuvent être classés de la manière suivante :

1o Ceux qui relèvent du sens de la vision : architecture, sculpture, peinture, etc. ;

2o Ceux qui relèvent du sens de l’audition : musique, poésie, déclamation ;

3o Ceux enfin dont les matériaux sont fournis à la fois par la vision et l’audition, comme la danse, l’art dramatique, l’art lyrique, l’art oratoire.

Le sens du toucher joue, dans les arts plastiques, un rôle très effacé.

Les sensations de l’odorat et du goût sont agréables ou désagréables : mais, esthétiquement, elles n’ont aucun emploi.

Je me propose de démontrer :

1o Que le mouvement joue un rôle très important dans le mécanisme de la vision, et dans l’ordre des sensations auditives musicales ;

2o Qu’il est la source principale de l’émotion que nous font éprouver les œuvres d’art ;

3o Et enfin que les différents arts sont d’autant plus expressifs, éveillent en nous des émotions d’autant plus vives, que le mouvement y intervient en proportions plus considérables.

Pour établir ces différentes propositions, il est nécessaire d’abord de poser quelques principes généraux sur la définition et l’essence du mouvement, de rappeler sommairement la théorie physiologique des sensations aujourd’hui admise, enfin de passer en revue les différents arts, architecture, sculpture, peinture, musique, poésie, etc.

Les Grecs considéraient avec raison les Muses comme autant de