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composés, avec lesquels l’histoire ancienne nous a familiarisés. Grâce à lui, nous pouvons comprendre comment dans les mêmes sociétés ont pu exister simultanément des institutions despotiques avec d’autres qui semblaient reposer sur le principe de l’égalité et qu’on a souvent confondu avec des institutions libres. Rappelons les antécédents de ces peuples européens primitifs qui organisèrent des gouvernements de cette forme.

La vie pastorale et nomade favorisait la subordination à une autorité simple, issue naturellement de la paternité. Un membre du groupe qui voulait résister avait à choisir entre, se soumettre à l’autorité sous laquelle il avait grandi, ou, s’il en rejetait le joug, quitter le groupe et à affronter tous les périls dont le désert menaçait une existence sans protection. L’établissement de cette subordination trouvait une autre condition favorable dans la survie plus fréquente des groupes, où elle s’imposait avec le plus de force. En effet, dans les conflits des groupes, ceux dont les membres se montraient insubordonnés étaient d’ordinaire à la fois plus petits et moins propres à une coopération efficace, et par suite destinés probablement à disparaître. Mais, en même temps que, dans ces familles ou clans, les circonstances favorisaient l’obéissance au père et au patriarche, les circonstances favorisaient aussi le sentiment de liberté dans les relations entre des clans. Leur dispersion et leur mobilité ne permettaient guère que l’un d’entre eux exerçât l’autorité sur les autres ; l’habitude de résister avec succès à la contrainte étrangère, où à s’y soustraire par la fuite, continuée durant un nombre immense de générations, a dû probablement donner une grande force au penchant de ces tribus à s’irriter contre toute autorité étrangère et à la repousser.

La question de savoir, quand les groupes ainsi disciplinés s’agrègent, pourquoi ils contractent telle ou telle forme d’organisation politique, dépend en partie, comme nous l’avons déjà pressenti, des conditions qui les entourent. Quand même nous négligerions des différences qui séparent les Mongols, les Sémites et les Ariens, et qui ont pris naissance aux temps préhistoriques par suite de causes de nous inconnues, alors même que la longue durée de la vie pastorale aurait produit chez eux une nature absolument semblable, les grandes sociétés formées par la combinaison de ces petites sociétés ne pouvaient contracter des formes semblables que sous l’empire de circonstances semblables. C’est probablement pour cela que les Mongols et les Sémites, partout où ils se sont établis et où ils se sont multipliés, n’ont pu conserver l’autonomie de leurs hordes après leur union, ni développer les institutions qui en découlaient. Les