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des effets qui accompagnent l’exercice continu de l’activité militaire. Nous avons d’abord l’exemple de Sparte, dont la constitution dans sa première forme différait peu de celle dont l’Iliade nous montre l’existence chez les Grecs d’Homère. Nous y voyons, en premier lieu, le pouvoir se centraliser de plus en plus dans la loi faite un siècle après Lycurgue et qui ordonnait que, « lorsque le peuple aurait pris une décision de travers, le sénat, uni aux rois, renverserait cette décision. » Nous y voyons, en second lieu, comme conséquence de la gravitation qui portait la propriété dans un nombre plus petit de mains, « le nombre des citoyens en titre diminuer constamment : » ce qui supposait non seulement un accroissement relatif de la puissance de l’oligarchie, mais probablement un accroissement de la prépondérance des membres les plus riches dans cette oligarchie même. Nous avons ensuite l’exemple de Rome, qui fut toujours en guerre. Nous y voyons l’inégalité s’accroître avec le temps à ce point que le sénat devenait un ordre de seigneurs se recrutant par succession héréditaire et exerçant « la tyrannie d’une coterie. » Nous y voyons ensuite « le mal de l’oligarchie en engendrer un autre, bien pire, l’usurpation du pouvoir par certaines familles, » Les républiques italiennes, aussi, engagées dans des guerres perpétuelles les unes contre les autres, nous présentent aussi des exemples d’une concentration analogue du corps gouvernant. La noblesse, désertant ses châteaux, se mit à diriger « le gouvernement municipal des cités, qui par suite, durant cette période de l’histoire des républiques, tomba dans les mains des familles supérieures. » Ensuite, à une époque plus récente, lorsque le progrès industriel eut produit des classes commerçantes riches, celles-ci disputèrent le pouvoir aux nobles et finirent par les remplacer, par une répétition de la même procédure dans leurs corps respectifs. Les corporations les plus riches privèrent les plus pauvres de leur part dans le choix des agents dirigeants ; la classe privilégiée alla se rétrécissant de plus en plus par l’effet de lois d’exclusion, et les familles d’origine récente furent exclues par celles qui pouvaient se vanter d’une longue existence. En sorte que, comme Sismondi le montre, les nombreuses républiques italiennes, qui conservaient encore ce nom à la fin du xve siècle, étaient, comme « Sienne et Lucques, gouvernées chacune par une seule caste de citoyens… et ne possédaient plus de gouvernement populaire. » Un résultat analogue se produisit chez les Hollandais. Durant les guerres des cités flamandes avec les nobles et les unes contre les autres, les gouvernements relativement populaires des villes se concentrèrent. Les grandes guildes exclurent les petites du corps gouvernant, et leurs membres, « revêtus de la pourpre