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temporaires prévaut, les relations parentales connues sont relativement rares et relâchées ; il n’y a guère que ce genre de cohésion sociale qui vient de ce que les membres de cette société appartiennent au même type d’homme. La polyandrie, surtout celle de la forme supérieure, produit des relations parentales quelque peu définies, que l’on peut suivre plus loin : elles servent à unir plus étroitement le groupe social. Enfin la polygynie resserre et multiplie les relations de famille. Seulement, comme nous l’avons vu, c’est de la monogamie que naissent les relations de famille qui sont à la fois les plus définies et celles dont les ramifications sont les plus étendues ; c’est des familles monogamiques que sortent les sociétés les plus vastes et les plus cohérentes. La monogamie favorise la solidarité sociale de deux façons qui présentent de l’analogie, mais que l’on peut distinguer.

Dans la famille polyandrique, les enfants sont un peu moins que demi-frères et demi-sœurs ; dans la famille polygamique, la plupart des enfants ne sont que des demi-frères et des demi-sœurs ; mais, dans la famille monogamique, les enfants sont, dans la grande majorité des cas, tous de même sang des deux côtés. Comme ils sont liés par une parenté plus étroite, il s’ensuit que les groupes d’enfants auxquels ils donnent naissance sont eux-mêmes plus étroitement parents. Enfin lorsque, dans les premiers temps par exemple, ces groupes d’enfants devenus grands continuent à former une société et travaillent ensemble, ils sont unis à la fois par leur parenté et par leurs intérêts industriels. Sans doute à mesure que le groupe familial, en croissant, devient une gens qui s’étend, l’intérêt industriel se divise, mais les relations parentales empêchent les divisions de devenir aussi marquées qu’elles le seraient devenues sans cela. Il en est encore de même lorsque la gens, avec le temps, devient une tribu. Ce n’est pas tout encore. Si les circonstances locales unissent plusieurs tribus encore alliées par le sang, quoique par une parenté plus lointaine, il en résulte que, établies côte à côte, elles se fondent graduellement l’une dans l’autre en se mêlant, ou par des mariages mixtes ; la société composée qui se forme en conséquence, unie par des liens nombreux et compliqués de relations parentales aussi bien que par des intérêts politiques, se trouve plus fortement liée qu’elle ne le serait sans cela. Nous en avons des exemples frappants dans les anciennes sociétés qui ont exercé l’empire. « Tout ce que nous apprenons, dit Grote, des anciennes lois d’Athènes repose sur les divisions de la gens et de la phratrie, qui sont partout traitées comme des familles agrandies. » Pareillement, suivant Mommsen, « l’État romain reposait sur la famille romaine :