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HERBERT SPENCER. — les corps représentatifs

avec l’oppression. » Plus tard, Clisthène, dans des circonstances analogues, opéra une révolution qui eut pour effet une diffusion plus étendue du pouvoir. La population relativement indépendante des commerçants immigrants s’était tellement accrue entre l’époque de Solon et celle de Clisthène, qu’il fallut remplacer par dix les quatre tribus primitives de l’Attique. Ensuite cette masse accrue, en grande partie composée d’hommes qui n’avaient pas été soumis à la discipline des clans, et que par suite les classes gouvernantes pouvaient moins contenir, s’éleva au premier rang à une époque où ces classes gouvernantes se divisaient. On dit bien que Clisthène, « vaincu dans sa lutte contre son rival, appela le peuple à son aide, » et que la révolution eut pour cause des motifs d’intérêt personnel ; mais, faute de cette imposante volonté du peuple qui avait mis longtemps à grandir, la réorganisation politique n’aurait pu se faire, ou, s’il elle s’était faite, n’aurait pu se maintenir. « Les séditions sont le produit de grandes causes, mais elles éclatent à propos de chétifs incidents, » dit Grote d’après Aristote, une remarque est parfaitement vraie si on la corrige légèrement en disant changements politiques au lieu de séditions. En effet, il est évident que, une fois que la puissance du peuple a pu s’affirmer, il n’est plus possible de l’éliminer. Clisthène n’aurait pu dans ces circonstances imposer à une si grande masse d’hommes des institutions en désaccord avec leurs vœux. En somme, donc, ce fut la puissance industrielle qui produisit à ce moment et, par la suite, conserva l’organisation démocratique. Dans l’histoire d’Italie, nous remarquons que l’établissement des petites républiques dont la naissance a coïncidé avec la décadence de la puissance impériale a coïncidé plus particulièrement avec le conflit des autorités qui ont causé cette décadence. « La guerre des investitures, dit Sismondi, donna l’essor à l’esprit de liberté et de patriotisme dans toutes les municipalités de Lombardie, de Piémont, de Vénétie, de Romagne et de Toscane. » En d’autres termes, tandis que la lutte entre l’empereur et le pape absorbait les forces de l’un et de l’autre, les peuples purent s’affirmer. À une époque plus récente, Florence offrit un exemple d’une nature analogue, encore qu’un peu différent dans la forme : « Au moment où Florence expulsait les Médicis, la république était divisée en trois partis différents. Savonarole profita de cet état de choses pour soutenir que le peuple devait se réserver la puissance et l’exercer par un conseil ; sa proposition fut adoptée, et ce conseil déclaré souverain le 1er juillet 1495. » En Espagne, le pouvoir populaire grandit durant les troubles de la minorité de Ferdinand IV ; des assemblées périodiques, composées de députés de certaines villes, se réunissaient sans convocation du