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naient les uns en face des autres : elles leur disputaient des adhérents et souvent se fortifiaient.

Ajoutons que ces cités et ces bourgs, à qui des chartes royales ou d’autres causes avaient donné la faculté d’administrer leurs propres affaires, formaient d’ordinaire chez elles des coalitions en vue de se protéger. En Angleterre, en Espagne, en France, en Allemagne, quelquefois avec l’assentiment du roi, quelquefois en dépit de sa résistance comme en Angleterre, quelquefois par défi à son autorité, comme dans l’ancienne Hollande, il se forma dans les villes des corporations, dont l’origine remontait à des unions quasi religieuses entre des personnes unies par la parenté, et qui donnèrent bientôt naissance à des corporations de marins et à des corporations de marchands, celles-ci unies par une relation de défense mutuelle, et qui formèrent la base de l’organisation municipale qui effectua la défense générale contre les agressions des nobles.

De plus, dans les pays où les luttes entre les sociétés industrielles et les sociétés militaires environnantes étaient violentes et longues, les sociétés industrielles se coalisaient pour se défendre. En Espagne, les « poblaciones », devenues prospères et transformées en grandes villes, étaient envahies et pillées par des seigneurs féodaux voisins ; elles firent des ligues pour se protéger mutuellement. Plus tard, pour répondre à des besoins analogues, des confédérations plus étendues de villes et de cités, avec des sanctions pénales sévères pour la transgression des obligations communes, se formèrent en vue d’une assistance mutuelle pour résister aux attaques des rois et des nobles. En Allemagne encore, nous voyons l’alliance perpétuelle conclue par soixante villes du Rhin en 1255, lorsque, durant les troubles qui suivirent la déposition de l’empereur Frédéric II, la tyrannie des nobles devint insupportable, Des motifs analogues donnèrent lieu à des ligues analogues en Hollande. En sorte que, à la fois en petit et en grand, des groupes industriels qui se formaient çà et là au sein d’une nation sont, dans bien des cas, forcés par les luttes locales à prendre en partie les fonctions et la structure que la nation dans son ensemble est forcée de prendre pour lutter avec les nations qui l’entourent.

Ce qui nous importe, c’est de savoir que, si l’industrialisme se trouve arrêté par un retour à l’état militaire, le développement de la puissance du peuple s’arrête. Surtout lorsque, dans les républiques italiennes par exemple, les guerres défensives font place aux guerres offensives, et que l’ambition s’allume de conquérir d’autres territoires et d’autres villes, le régime de liberté propre à la vie industrielle se trouve barré, quand il n’est pas renversé, par le