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même temps qu’il enseigne le processus de la création intellectuelle et force ses élèves à le suivre dans ses raisonnements. Les universités allemandes sont non seulement un lieu d’enseignement, elles sont aussi un laboratoire de la pensée. » C’est ce qui a fait dire à M. Renan que les universités allemandes, avec leurs professeurs de petite apparence et leurs « privat-docent » si maigres et si gauches, contribuent davantage au progrès de la science que l’université splendide d’Oxford.

Cette peinture de Miloslawski est aussi exacte que l’intention en est claire pour ceux qui ont vu de près les universités russes. Il faut avoir fréquenté ces instituts scientifiques de la Russie, il faut avoir observé le faste officiel qui y règne, l’allure guindée des professeurs et des élèves, leur gène réciproque, et avoir vu combien les résultats scientifiques en sont insignifiants en dépit de cette élégance somptueuse, pour être à même de comprendre l’impression produite sur Miloslawski par les universités allemandes. L’auteur constate néanmoins que la philosophie a perdu en Allemagne sa force productive ; il a remarqué que le cours le plus animé n’est pas en état d’éveiller l’intérêt des étudiants, qui ne donnent signe de vie qu’au moment où le professeur commence à résumer ce qu’il a dit, ce résumé étant nécessaire pour les examens qui y sont de rigueur. Tout exacte que puisse être cette description dans certains cas particuliers, elle ne pourrait être appliquée à tous les cours de philosophie tenus en Allemagne. Celui qui écrit ces lignes connaît également les universités allemandes ; mais ce qu’il a remarqué aux cours des professeurs Brentano et Zimmermann à Vienne ; à ceux de Volkmann à Prague ; de Fechner à Leipzig, de Fischer à Heidelberg et de Lange à Zürich, c’est un auditoire toujours nombreux, un intérêt ardent, une attention soutenue. Certes, la philosophie n’est plus ce qu’elle a été au commencement du siècle, mais nous affirmons néanmoins que le mouvement philosophique s’anime et se répand de jour en jour.

Le chapitre IV s’occupe encore de la décadence des « vieux types ». Ici, l’auteur nous rappelle que c’est la métaphysique allemande d’autrefois, qu’il faut comprendre sous le nom de types surannés. Cette philosophie, qui a été celle des successeurs de Kant, lui fait l’effet d’un tourbillon formé par le choc de ces deux principes de la pensée humaine, qu’on nomme idéalisme et réalisme. C’est aussi la cause principale de la confusion actuelle dans la philosophie allemande soit officielle (universitaire), soit non officielle. Pourquoi la philosophie enseignée aux universités est-elle surnommée « officielle » ? C’est ce que nous ne pouvons pas nous expliquer. Une philosophie semblable à bien existé jadis, mais les temps sont changés, el nous pouvons affirmer qu’elle a presque complètement disparu. Quant à la confusion qui, au dire de Miloslawski, règne à présent dans la philosophie allemande, nous rappelons l’observation faite par l’auteur lui-même que les représentants de différents systèmes opposés ont trouvé un point de ralliement dans la science positive et dans Kant.