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ANALYSES. — E. FERRI. Nuovi orizzonti del diritto.

de vivre honnêtement, — Contre cette classe de malfaiteurs, il faut employer des moyens indirects, des réformes pénitentiaires el judiciaires, la taxe sur les boissons alcooliques, etc. Tant que ces diverses réformes ne seront pas faites, l’unique moyen de défense sera encore ici la détention à temps indéterminé, décrétée après un certain nombre de récidives.

Les trois catégories de criminels examinées jusqu’ici et qui forment à peu près les 40/100 de la totalité échappent en grande partie à la compétence du droit criminel, car il faut employer contre elles des mesures étrangères aux critères juridiques de la proportion des peines aux délits. Mais dans celle compétence rentrent les deux dernières catégories.

Les coupables poussés au crime par la passion le sont quelquefois par un sentiment tellement violent que rien ne peut empêcher ses effets. Le crime commis, le coupable se repent et parfois essaye de se tuer. Une vie sans tache jusque-là, une sensibilité trop vive, un tempérament sanguin ou nerveux, l’absence de préméditation, l’aveu du crime sont les circonstances qui se présentent ordinairement dans de telles affaires. Il convient en ce cas de laisser l’acte incriminé absolument impuni. Mais il arrive souvent que les circonstances qui motivent cette impunité sont absentes, que la passion n’est pas assez forte et assez soudaine, que les circonstances qui la provoquent ne sont pas assez extraordinaires, et en ce cas M. Ferri croit avec M. Garofalo qu’il faut rehausser le prix de la vie humaine et punir les coupables par une longue détention. Dans ces occasions la peine infligée pourra avoir une véritable efficacité, soit pour la prévention personnelle et directe, soit comme prévention générale et indirecte.

Reste enfin la catégorie des criminels par occasion. Ici encore, les peines ont leur raison d’être et peuvent être efficacement opposées aux impulsions criminelles, et pour retenir ceux qui ne sont ni assez bons par nature pour bien agir sans le secours de la loi ni assez mauvais pour faire le mal en dépit des châtiments auxquels ils s’exposent.

Voici donc deux difficultés surmontées ; il en reste encore une autre, celle qui présentent les résultats de la statistique.

Le niveau de la criminalité est déterminé chaque année par les diverses conditions d’existence résultant du milieu naturel et social combiné avec les tendances héréditaires et les impulsions particulières des individus, « selon la loi, que l’on peut appeler, par analogie avec les lois de la chimie, loi de saturation criminelle. » Cette loi, dont le nom me parait plus bizarre qu’instructif et utile, M. Ferri l’explique ainsi : « De même que, dans un certain volume d’eau à une température donnée, une quantité déterminée d’une substance chimique se dissoudra sans qu’il puisse se dissoudre une molécule de plus où de moins, ainsi dans un milieu social donné, avec des conditions physiques et individuelles données, il se commettra un nombre déterminé de crimes, pas un de plus, pas un de moins. » — Ainsi les facteurs qui contribuent à la production du crime se rangent dans trois groupes : les fac-