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FRANCIS GLISSON


Les historiens de la philosophie ont plus d’une fois indiqué au passage, mais sans la traiter, la question de savoir si Leibnitz n’aurait pas subi l’influence du médecin anglais Francis Glisson. Cette question, en effet, se pose d’elle-même dès qu’on vient à rencontrer seulement le titre de cet ouvrage de Glisson, si oublié : Traité de la nature énergétique de la substance, ou de la vie de la nature, et de ses trois facultés originelles : perception, appétition et mouvement[1]. Un tel titre pourrait être celui de la Monadologie elle-même : il est à lui seul le résumé de cette métaphysique dynamiste, selon laquelle toute substance a pour essence la force, qui, à son tour, consiste essentiellement en un mouvement, ou effort, vers un but perçu et désiré. Comme Leibnitz avait tout lu, et qu’il fit un voyage à Londres précisément à l’époque où l’ouvrage de Glisson venait de paraître, on est naturellement amené à se demander si le philosophe allemand a connu le médecin anglais et dans quelle mesure il peut s’être inspiré de sa pensée.

Ce problème me fut signalé, il y a quelques années, par M. F. Ravaisson, qui, possédant le Traité de Glisson, voulut bien le mettre à ma disposition. Cousin, dans la dernière édition de son Histoire générale de la philosophie, 1861[2], donne presque comme certaine une influence de Glisson sur Leibnitz, influence signalée déjà en 1845 comme vraisemblable, dans le Dictionnaire des sciences philosophiques de M. Franck[3]. Les médecins, de leur côté, avaient vu la

  1. Tractatus de natura substantiæ energetica, seu vita naturæ, ejusque tribus, primis facullatibus : I, percéptiva ; II, appettiva ; III, motiva, naturalibus. Londini, MDCLXXII, in-4o.
  2. Une longue note de cette édition, pp. 472 à 475, qui ne figurait pas dans les éditions antérieures, contient un rapprochement exprès entre les deux doctrines. Nous aurons à discuter les affirmations très décidées, mais, à notre avis, inexactes de M. Cousin.
  3. Le rapprochement est moins détaillé que dans Cousin, mais aussi moins superficiel. Toutefois l’analogie des deux doctrines est exagérée et altérée de