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PSYCHOLOGIE DES GRANDS HOMMES

3e article[1]

Le grand homme et le milieu contemporain.

On connaît de longue date les théories qui font de l’apparition du grand homme une chose fatale, marquée d’avance par les destins, d’autres disent arrêtée par la Providence. Ainsi formulée, une telle conception est hors de la science : du moins n’y a-t-il guère moyen de la vérifier par les faits. Car à supposer même que l’étude des événements nous amenât à cette conclusion toute négative : il n’est pas possible d’assigner à la production des hommes supérieurs des causes déterminées ; il resterait toujours à faire entre l’action providentielle et le hasard un choix où la science proprement dite n’aurait, semble-t-il, qu’à se récuser. On trouve cependant quelques idées peu éloignées de ces conceptions dans certaines théories déterministes d’aujourd’hui.

Dans ses patientes recherches sur le Génie héréditaire, M. Galton estime que le génie (une fois réunies toutes les forces dont a hérité organisme qu’il anime) ne peut pas ne pas se révéler, À ses yeux, le besoin de créer de belles œuvres d’art où d’accomplir de grandes choses n’est pas moins « incompressible » que le penchant au meurtre ou au vol. Il est forcé, pour ainsi dire, de se manifester au dehors, et il le fait, quelle que soit l’opportunité : il éclate donc au milieu des événements contemporains avec cette impétuosité et ce mépris des conditions ordinaires du succès, que lui attribuaient généralement les croyants de la Providence ou les partisans de la fatalité. Mais ce n’est pas tout. Dans ses essais de statistique, M. Galton a cru aboutir, nous l’avons vu[2], à certaines formules exprimant les probabilités relatives à la naissance de tant de membres éminents dans telles familles données. De même alors que la société française ou la

  1. Voyez l’article précédent, numéro de juillet.
  2. Idem.