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E. PANNIER. — syllogisme et connaissance

large, se rapportent toujours à un monde connaissable, on est forcé da moins de reconnaître qu’elles anticipent étrangement sur les déterminations de la réalité connue et que, dans l’état des données positives en notre possession, on ne saurait songer à démontrer que toutes ces définitions coïncident avec une portion quelconque de l’existence objective, qu’elles doivent trouver en quelque point ou à quelque moment que ce soit de l’évolution universelle leur vérification pratique. Dira-t-on qu’il faut distinguer entre deux sortes de concepts, les uns plus simples et plus voisins de la réalité concrète, les autres plus abstraits et plus compliqués ? Cette distinction serait arbitraire et impraticable. Telles courbes, comme l’hyperbole ou la parabole, appartiennent notoirement à la réalité sensible et ne peuvent néanmoins être saisies dans leur ensemble que par un développement spéculatif de concepts rationnels. Devra-t-on les classer dans une autre catégorie que la sphère ou le triangle, qui ne se prêtent également d’ailleurs qu’à une réalisation imparfaite ; ou plutôt les uns et les autres ne constituent-ils pas de purs symboles, qu’il convient de traiter comme tels, sans se préoccuper de leur origine et de leurs relations avec le monde des phénomènes ? Quant au prétendu caractère de simplicité qui serait l’attribut des conceptions les plus pratiques, il s’évanouit dès qu’on essaye de le fixer. Notre unique procédé, en effet, pour élargir le cadre de nos conceptions, consiste dans l’élimination d’une partie des éléments dont le contenu nous est fourni par la réalité. Celle-ci nous apparaît alors comme un cas particulier d’une hypothèse plus simple et plus générale, qui devient le point de départ d’un nombre indéfini de déterminations diversement combinées, se succédant du simple au composé dans tous les sens et à tous les degrés[1]. C’est pourquoi il convient, au point de vue logique, de renoncer à ces dénominations d’idées nécessaires, d’idées qui sont une division de la réalité. L’idée

  1. Ce qu’on appelle plan géométrique n’est évidemment qu’un cas partioulier, purement idéal, de l’espace ordinaire, dans lequel on ferait abstraction du nombre des dimensions. On conserve tous les attributs de cet espace : continuité, symétrie, etc., en fixant à deux eu lieu de trois le nombre des dimensions. Le procédé est absolument le même que pour imaginer un espace de même nature à un nombre n de dimensions.

    Remarquons accessoirement qu’il ne faut pas confondre la simplicité d’une hypothèse avec la facilité qu’elle nous présente au point de vue du calcul et du raisonnement. Tel cas particulier peut être, sous ce rapport, infiniment plus simple, c’est-à-dire plus commode, qu’un ensemble de données moins complexe et plus général. Mais c’est là un point de vue tout relatif, qui tient évidemment au choix des données premières et au système de notation. Bien que la réalité puisse souvent sous ce rapport nous paraître plus simple que l’abstraction, il n’y a pas lieu de tenir compte de ce critérium pour établir une distinction entre les concepts.