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E. PANNIER. — syllogisme et connaissance

rieure, le raisonnement ne cesse pas pour cela d’aboutir à des conclusions. Mais celles-ci sont en nombre illimité et se contrarient mutuellement, sans cesser toutefois d’être contenues dans les limites tracées par le sens des autres données. Des prémisses géométriques d’un certain ordre engendrent toujours des conclusions géométriques du même ordre. L’effet produit est donc exactement le même que si la partie des prémisses sur laquelle s’établit la contradiction était demeurée indéterminée. On sait effectivement que l’indétermination se traduit par des solutions multiples et contradictoires. Par conséquent, ce n’est pas l’acte syllogistique lui-même qui se trouve atteint par la contradiction, mais bien les définitions ou propositions sur lesquelles il repose. Qu’arriverait-il si la contradiction portait sur des données déterminées avec excès, devant aboutir à un cas d’impossibilité ? Elle aurait pour effet d’écarter l’impossibilité et de ramener la solution à des conditions réalisables[1]. Inversement, une contradiction totale supprimant d’une manière absolue les données, enlevant aux symboles leur signification, détruit le raisonnement en lui faisant perdre tout objet. Dans ce cas, nous ne faisons plus rien, nous ne raisonnons pas parce que toute pensée s’est évanouie. Penser, connaître, c’est conditionner. La pensée est le genre, la connaissance. Suivant la parole du Péripatéticien, « la détermination est la loi suprême de l’intelligence. Là où l’indéterminé apparaît, là s’arrêtent toute connaissance et toute pensée. »

Ernest Pannier

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  1. Il ne faut pas confondre des prémisses contradictoires qui se détruisent et aboutissent à l’indétermination avec des prémisses impliquant la réunion de conditions incompatibles et déterminant une impossibilité. Dans le premier cas, on accepte par exemple indifféremment l’idée qu’Alexandre est ou n’est pas mortel, ce qui revient à ne rien déterminer quant à la mortalité d’Alexandre. Dans le second, sans partir de l’idée qu’Alexandre puisse être tout à la fois mortel et immortel, on exige qu’il remplisse conjointement un ensemble de conditions se rattachant à cette double qualité. Algébriquement, la première hypothèse coïncide avec une solution de la forme  ; la seconde, avec une solution de la forme .