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simple jeu de mots. Comme M. Schultze admet, avec l’infinité, l’apriorité de la causalité, et que ce principe, quoique indubitable, ne puisse être prouvé, il en conclut encore que toute science repose, ainsi que la religion, sur une croyance, sur un acte de foi. Mais l’auteur confond ici ce qu’il a si bien distingué ailleurs, la description en quelque sorte anatomique des formes actuelles de l’esprit, et l’explication génétique de ces formes. L’origine empirique, partant historique, de la causalité, il l’a indiqué lui-même, peut être suivie jusque chez les protozoaires, bref, dans toute la série organique. Le fait élémentaire se réduit tout simplement à une succession d’événements. Ces événements, dont l’action rhythmique a peu à peu disposé et prédisposé tout organisme à sentir causalement, quels sont-ils en soi ? Nous l’ignorons. Mais pourquoi les appellerions-nous divins, spirituels ou matériels ? Ces trois épithètes ne sont-elles pas absolument vides de réalité ? Et quand l’humanité tout entière confesserait sa foi en Dieu, en l’âme ou en la matière, cette croyance nécessaire et universelle prouverait-elle l’existence de l’objet correspondant ? C’était bien la peine, en vérité, après avoir affirmé que l’existence de la chose en soi pouvait aussi peu être prouvée que sa non-existence, de transformer cette vague possibilité d’existence en un Dieu vivant, dont les professeurs de sciences naturelles doivent être, selon l’auteur, les grands prêtres et les prophètes !

Mais ainsi va le monde, et, puisque tout ce qui arrive est nécessaire, il nous suffit de signaler au lecteur les écueils que nous croyons apercevoir, sans prétendre sauver l’auteur malgré lui. Qu’il manque donc de logique tout à son aise ; ce qui est contradiction pour le vulgaire est d’ailleurs complexité d’idées et de sentiments chez les hommes supérieurs. « Pour moi, disait Gœthe, je ne puis me contenter d’une seule façon de penser ; comme poète et artiste, je suis polythéiste : je suis, au contraire, panthéiste, en tant que naturaliste. » À la bonne heure ; avouons seulement qu’avec de tels principes la philosophie ne saurait être une science. Aussi bien n’est-elle pas une science, mais une méditation sur les problèmes les plus élevés de la science.

Jules Soury.

Chiappelli (Alessandro).Della interpretazione panteistica de Platone. — Florence, successeurs de Le Monnier. 1881. — Gr. in-8o, 284 pages.

La publication de ce travail considérable fait le plus grand honneur à l’Institut des études supérieures de Florence, qui en a fait les frais ; elle témoigne, d’un autre côté, de l’intérêt qu’excitent en Italie les études platoniciennes. L’inépuisable mine y est maintenant fouillée de nouveau par des chercheurs à qui ne font défaut ni l’érudition ni le talent ; souhaitons que leur ardeur redouble et que leurs efforts se multiplient ; ils nous promettent, sur cette terre classique, d’utiles et féconds résultats.