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intérêt direct pour l’enseignement ordinaire, et dont les résultats sont forcément incertains.

Mais, si les difficultés sont déjà grandes quand il s’agit de déterminer la part que pourrait jouer, dans les phénomènes de vertige, un sens du magnétisme terrestre, elles deviennent encore bien plus considérables lorsqu’il s’agit d’expérimenter sur lé sens de direction.

Les animaux chez lesquels ce sens est bien développé sont presque tous des indépendants. Chez nos animaux domestiques, on ne constate qu’exceptionnellement des actes qui nécessitent absolument son intervention. Notre pigeon voyageur lui-même, si peu domestiqué qu’il soit dans le vrai sens du mot, n’a certainement pas » dans la règle, ce sens bien développé. S’il est en effet des cas où le pigeon ne se retrouve qu’à l’aide de ce sens, comme lorsque des oiseaux transportés pour la première fois en Angleterre et lâchés au Palais de Cristal revinrent à Bruxelles avec une si grande vitesse qu’une dépêche envoyée, du palais même pour annoncer leur départ, ne les devança que de quelques minutes[1], il est bien certain que ces animaux se reconnaissent généralement à la vue. La preuve en est dans ce fait que les amateurs de pigeons dressent ordinairement leurs animaux en leur apprenant, étapes par étapes, la route qu’ils doivent parcourir. Ainsi des oiseaux que l’on veut faire revenir de Moulins à Paris seront lâchés successivement à Versailles, Brichy, Toury, Cosne, et enfin à Moulins[2]. Pour les faire revenir de Paris à Lille, on les lancera successivement à Ronchin, Lesquin, Cervin, Arras, Amiens, Creil et Paris[3].

L’animal peut alors, en s’élevant à une certaine hauteur, retrouver des points connus, et il ne se passe dans ces voyages que ce qui a lieu chaque jour pour le retour au colombier. :

Si les oiseaux sont transportés à une distance telle que, même en s’élevant autant que possible, ils ne puissent trouver de points de repère, il arrive parfois que quelques-uns reviennent (comme ceux lancés à Londres dont je parlais tout à l’heure, ou plusieurs de ceux qui furent emportés de Paris, en ballon, pendant le siège de 1870[4]), et ceci ne peut évidemment être attribué qu’au même sens qui ramène à son nid l’oiseau de mer perdu sur l’Océan hors de vue de toute

  1. G.-J. Romanes, Nature, 7 août 1873.
  2. Col. Laussédat, Trajet parcouru par des pigeons voyageurs (La Nature, V, 1875, p. 834).
  3. Brehm, Vie des animaux, Oiseaux, 2e vol., p. 281.
  4. Brehm, loc. cit.