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des modifications de mouvements, provoquées par la rencontre, la réaction réciproque des éléments matériels.

On ne comprendra donc pas mieux une force capable de retarder d’elle-même le moment de sa transformation qu’un mobile refusant, pendant un laps de temps variable, de suivre l’impulsion qu’il a reçue d’un autre mobile[1].

« Entre la cause et l’effet, nous dit M. Delbœuf lui-même, entre la force et le mouvement qu’elle communique, il y a un intervalle de temps qui, lui, dépend du rapport entre la cause et l’effet, entre la force mouvante et la masse à mouvoir… Le temps parfaitement calculable, que demande la transmission du mouvement d’un corps à un autre, correspond sans doute à une double transformation dans l’un et l’autre de ces corps. » — « Le passage de la force d’une forme à l’autre, dit-il aussi, ne se fait pas sans une résistance détruite, » c’est-à-dire sans l’intervention d’une force ; c’est une simple conséquence de l’inertie de la matière[2]. Est-ce dans la manière d’intervenir de cette force — qu’elle soit étrangère au système de force considéré ou qu’elle en fasse partie — qu’il faut voir le caractère de la liberté ? Mais ce ne serait plus alors une force, au sens mécanique du mot.

  1. La question préalable n’est pas de savoir si une chose se comprend, mais si elle est. Ce dernier point établi, on peut chercher à la comprendre où à l’expliquer : c’est ce que j’ai fait. (J.-D.)
  2. M. Grocler ne m’a pas du tout compris. Il y a probablement un peu de ma faute, mais la nature du sujet y est pour beaucoup. Je ne puis évidemment pas dans une note refaire mes articles. Un mot suffira, je l’espère, pour mettre en évidence le malentendu. La destruction de la résistance dont il est ici question ne réclame l’intervention d’aucune autre force que le temps. La chute d’un corps, même dans le vide, prend du temps : il y a donc, ai-je conclu, des résistances détruites. Quelle est la nature de ces résistances ? Je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est qu’on peut les concevoir plus grandes ou plus petites, c’est-à-dire, concevoir le temps plus lent ou plus rapide, sans qu’on sache dire quelle nouvelle force — dans le sens usuel de ce mot — on devrait introduire à cet effet. On parle bien de l’inertie de la matière, mais M. Grocler conviendra sans peine avec moi que ce n’est là qu’un mot. (Note de M. J. D.)

    Le malentendu que j’ai commis, tient, sans doute, à la difficulté que j’éprouve à me représenter le temps comme une force réelle, et comme étant à la fois la série des résistances ( ?) brisées et la force qui détruit ces résistances.

    Où je n’ai voulu voir que l’effet du jeu des forces naturelles (de celles qui peuvent se ramener au mouvement, et dont la quantité est immuable, M. Delbœuf fait intervenir une « puissance mystérieuse », qui n’est que la personnification, pour ainsi dire, du mode d’action de ces forces, « l’expression généralisée, mais vivante de la loi de la fixation de la force. »

    S’il s’agit de forces indépendantes et distinctes des agents naturels, je reconnaîtrai, même dans une mesure plus large que M. Delbœuf, qu’avec de telles forces on puisse produire des changements, sans compromettre la loi de la conservation de l’énergie. La difficulté n’est pas là. (Réponse de M. Groclerc.)