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Les phénomènes de contraste ont été souvent étudiés ; cependant tout n’est pas encore satisfaisant dans cet ordre de recherches. Le fait que l’explication de ces phénomènes a donné naissance à deux théories contraires : l’une purement psychologique, qui se fonde sur des propriétés de l’esprit humain, l’autre purement physiologique, qui invoque les propriétés de la rétine, — montre que les recherches sur ce point n’ont pas été suffisantes. Jusqu’ici, on n’a pas accordé assez d’attention aux conditions quantitatives du contraste.

L’auteur commence par exposer les procédés qu’il a suivis dans ses expériences. Ils se rapprochent de ceux qui ont été employés par Chevreul et Helmholtz (voy. Optique physiologique, p. 414) et qui consistent dans l’emploi de disques à secteurs colorés. On fait l’étude qualitative en choisissant des secteurs de couleurs diverses, en faisant varier le ton de la couleur inductrice ; l’étude quantitative en faisant varier l’étendue du secteur coloré et d’un segment noir intermédiaire ; on cherche en quelle mesure le contraste change avec l’étendue du secteur coloré d’une part et du segment noir d’autre part.

M. Schmerler donne ensuite le résultat de ses expériences, qu’il est impossible de résumer ici, mais qui lui fournit les conclusions suivantes, relativement à la théorie des contrastes. Ces recherches ne justifient pas la théorie purement psychologique de Helmholtz, qui explique les contrastes par des illusions du jugement ; encore moins la théorie purement physiologique de Hering, qui les explique par de purs processus rétiniens.

L’auteur combat plus particulièrement et en détail les diverses thèses de Hering contenues dans les six essais Zur Lehre vom Lichtsinne. Il soutient la nature subjective des sensations de contraste, mais la mémoire n’y joue qu’un faible rôle, puisque le contraste est d’autant plus frappant qu’elle intervient moins. « L’expérience montre au contraire que la principale cause des phénomènes de contraste consiste en ce que les sensations lumineuses, comme toutes les autres sensations, sont évaluées dans leur rapport avec d’autres impressions simultanées, Nous avons trouvé que, pour chaque degré de saturation de la couleur inductrice, c’est avec une certaine étendue du secteur du disque noir et blanc que le contraste atteint son maximum. D’un autre côté, nous avons trouvé que pour les divers degrés de saturation de la couleur, quand il s’agit du maximum, le rapport entre l’étendue du secteur noir et l’étendue quelconque du secteur coloré est simplement le même et se rapproche de l’unité. »

Enfin l’auteur critique, en terminant, cette hypothèse de Hering que la sensation de blanc répond à la désassimilation, la sensation de noir à l’assimilation de la substance nerveuse ; qu’il y a six sensations fondamentales ordonnées par paires : noir et blanc, bleu et jaune, vert et rouge, répondant à des processus particuliers d’assimilation et de désassimilation, en sorte que la substance visuelle serait apte à un triple mode de changement chimique ou d’échange de matière.