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penhauer, malgré sa grande influence littéraire et l’éclat du style de son auteur, n’ait pourtant pu fonder une école au sens étroit du mot, ce qui en outre lui était plus difficile encore parce qu’il ne professa pas sa doctrine dans une chaire publique.

On verra à peine un symptôme de cet enseignement public dans une esquisse pour des leçons, tel que les Éléments de métaphysique de Deussen, et même des disciples de Schopenhauer, qui long-temps se sont bornés à propager et à populariser la doctrine de leur maître, comme Frauenstädt, ont plus tard senti le besoin de s’essayer à la remanier. Quiconque se sentait sérieusement attiré par la philosophie de Schopenhauer éprouvait toujours aussi le besoin de corriger les contradictions qu’il avait entrevues, tandis que dans les écoles proprement dites des autres philosophes, on se contente de développer dans le détail les doctrines du maître sur la base une fois admise.

Mais on peut bien parler d’une école de Schopenhauer au sens le plus large du mot, si l’on y comprend tous les essais, partis de lui, d’une transformation de sa philosophie.

Considérons d’abord les disciples qui s’attachent à la pensée fondamentale de Schopenhauer que l’essence du monde est la volonté. Nous avons à distinguer ici deux groupes : les monistes et les individualistes ; les premiers considèrent l’essence du monde comme essentiellement une et voient la variété dans le domaine où cette essence se manifeste ; les seconds voient dans la multiplicité des sujets ayant une volonté ce qui est vraiment existant et dans l’unité une pensée purement subjective d’une vérité au moins douteuse. Aux monistes appartiennent Frauenstädt et Bilharz, aux individualistes Bahnsen et Hellenbach, tandis que Mainländer occupe une position intermédiaire, en ce qu’il assigne au monisme le passé avant le processus du monde, et au pluralisme le présent, comme la sphère où il se réalise.

Frauenstädt rompt d’une manière décisive avec l’idéalisme subjectif, attendu que, sans un réalisme transcendental, nulle multiplicité réelle de sujets ayant une volonté n’est possible. En cela il est appuyé par tous les autres partisans du principe de la volonté, qui prennent au sérieux la réalité de la multiplicité. Tous les penseurs ci-dessus nommés, à l’exception de Bilharz, professent de fait un réalisme transcendantal, même quand ils négligent de le prouver et même quand, comme Mainländer par exemple, on maintient le nom d’idéalisme transcendantal, pour distinguer le point de vue où l’on se place de tout réalisme naïf (c’est-à-dire antérieur à Kant).

Frauenstädt mérite d’être appelé le plus fidèle disciple de Scho-