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2oReprésentation toute mentale du mouvement des objets extérieurs. S’il se représente un soldat à l’exercice, et au commandement « marche » s’il le voit en mouvement, il éprouve une sensation dans le haut de la cuisse, à droite ou à gauche, suivant qu’il imagine le soldat avançant la jambe droite ou gauche. Il lui semble que les mouvements de ses jambes imitent ceux du soldat. Si au lieu d’un, il s’en représente deux, il s’adjoint à leurs mouvements, lui troisième. — Pour se représenter les mouvements de gros animaux (un cheval traînant une lourde voiture) il éprouve une sensation dans la région de la poitrine et des épaules. Pour un cheval au repos, la sensation est liée aux muscles des jambes ou des yeux. — S’agit-il de petits animaux ou du mouvement des nuages, la localisation a lieu le plus souvent dans les muscles oculaires. Pour de petits objets qui tournent, de même. Pour de grandes roues, les muscles du cou et de la nuque interviennent, et ce sont ces mêmes muscles qui paraissent jouer un rôle, si l’auteur veut se représenter quelque changement : un corps bleu, par exemple, qui devient jaune.

3oObservation directe des corps en mouvement dans le monde extérieur. — Jusqu’ici, nous avons vu qu’il n’y a, du moins dans la mémoire, aucun mouvement que l’on puisse se représenter sans une sensation musculaire. En est-il de même pour ce qui concerne l’observation extérieure ? À proprement parler, la réponse est faite par avance à cette question. Si je me représente un homme en marche, j’ai, en même temps qu’une représentation visuelle, un sentiment d’innervation dans mes propres muscles ; si je supprime ce dernier sentiment, ma représentation est comme paralysée. Comme dans la mémoire, il n’y a rien, il ne peut rien y avoir qui ne se soit trouvé auparavant dans la perception ; il faut bien aussi que dans la réalité cette liaison existe nécessairement entre les perceptions visuelles et les sensations musculaires. Du reste, cette conclusion logique est corroborée par l’observation directe. M. Stricker a remarqué que, lorsqu’il voit une troupe de soldats en marche, il éprouve une sensation musculaire beaucoup plus intense que lorsqu’il regarde un seul passant dans la rue. Il rapporte beaucoup d’autres observations analogues. — D’ailleurs la plupart de nos mouvements appris résultent d’une imitation. L’imitation (celle par exemple de l’apprenti qui regarde comment on manie un outil) commence par une impression sur la rétine qui est transmise au cerveau et de là revient à des centres moteurs qui mettent les muscles en mouvement. Si ce rapport entre certaines impressions visuelles et certains mouvements n’existait plus, aucun apprentissage ne serait possible.

4o Représentation de mouvements d’organes internes non soumis à la volonté. — Prenons comme exemple les mouvements du cœur. Lorsque l’auteur est au repos et en cet état sain où l’on ne sent pas les pulsations cardiaques, il lui faut un grand effort pour se représenter les pulsations de son propre cœur, pour chasser de sa mémoire la vue des cœurs d’animaux dont, en sa qualité d’anatomiste, il a si souvent étudié l’activité. Lorsqu’enfin les yeux fermés il a réussi à exclure la vision