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der Æsthetik 46). L’œuvre d’art est le symbole de l’idée, et tout art est symbolique. Le symbole diffère de l’allégorie en ce que celle-ci est plutôt l’emblème d’une idée abstraite, tandis que le symbole unit d’une façon plus étroite le général et le particulier, le rationnel et le sensible. Du reste, unité, scission, opposition, accord ou retour à l’unité, tout cela se retrouve chez ce continuateur de Schelling et de Fichte. Nous n’entrons pas dans l’exposé de sa doctrine et de ses idées. Ce qui est pour nous à constater, c’est que le principe de sa division des arts est au fond le même que dans Schelling le même qu’il a été dans Weisse et qu’il le sera dans Hegel, savoir l’opposition de la matière et de l’esprit, de l’essence et de la manifestation (Wesen und Erscheinung) [ibid.], les deux facteurs de la production artistique ; c’est l’évolution de l’idée qui mène de l’un à l’autre des deux termes, la prédominance de plus en plus grande de l’idée ou de l’élément rationnel qui, peu à peu dans chaque art, se dépouille de sa matérialité, pour revêtir une forme de moins en moins matérielle, quoique toujours sensible. Ce principe s’énonce ainsi d’une manière un peu vague : « L’idée doit entrer d’une double façon dans le sensible : 1o comme unité intérieure, l’absorbant et le recréant [wicdererzeugt] ; 2o comme se dispersant et se disséminant ; 3o cette opposition crée une opposition dans l’art, qui est celle de l’art proprement dit et de la poésie, mais qui se résout dans l’identité. Nous laissons ce langage obscur et confus pour nous attacher à la division elle-même.

Ici, la poésie, comme art universel a le premier rang ; elle est l’art dans sa totalité, l’art à la fois total et particulier (Ganze und besondere Kunst). Elle le doit à ce que la parole est le signé adéquat de l’idée, l’organe propre de l’intelligence, le miroir de la connaissance (Erwin). Solger, qui a le tort de suivre encore la méthode descendante, construit ainsi son échelle des arts : 1o la poésie, l’art dés arts et qui se retrouve en chacun d’eux ; 2o au-dessous, l’art ou les arts proprement dits, qui s’éloignent de plus en plus de la poésie à mesure que leur matérialité augmente : la sculpture ; la peinture ; art abstrait, qui n’offre plus que l’apparence visible de l’étendue corporelle ; 3o viennent ensuite deux autres arts, l’architecture et la musique, dont l’abstraction est plus grande encore, l’une liée à la matière mais sans idée (ohne Begriff), l’autre sans matière (ohne Stoff), représentant les lois des nombres et l’idée abstraite.

Nous arrivons au maître ou à Hegel. La manière dont est construite la troisième partie de son esthétique, qu’il a intitulée le Système des arts, mérite de fixer toute notre attention et pour cela doit être exposée plus en détail.